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MEURTRE DU MARÉCHAL D’ANCRE.


la plupart des juifs portugais qui étaient venus envahir tout le commerce que les Français n’entendaient pas encore. Ils restèrent pour la plupart à Bordeaux, et continuèrent ce commerce qui leur était défendu.

Une autre affaire qui regardait plus particulièrement le parlement fut celle de la paulette. C’était un droit annuel, imaginé par un nommé Paulet sous l’administration du duc de Sully. Tous ceux qui avaient obtenu des charges de judicature payaient par an la soixantième partie du revenu de leurs charges, moyennant quoi elles étaient assurées à leurs héritiers, qui pouvaient les garder ou les vendre à d’autres, comme on vend une métairie. Cet abus ne faisait pas honneur au duc de Sully. C’était peut-être l’unique tache de son ministère[1].

Les états de 1614 et 1615 demandèrent fortement l’abolition de ce droit et de cette vénalité ; le ministère la promit en vain. L’avantage de laisser sa charge à sa famille l’emporta sur le fardeau du droit annuel. Il y a eu beaucoup de changements dans la perception de ce droit : on l’a modifié de vingt manières, comme presque toutes les lois et tous les usages. Mais la honte d’acheter le droit de vendre la justice, et celui de le transmettre à ses héritiers, a subsisté toujours. On a prétendu depuis que le cardinal de Richelieu approuva cet opprobre dans son prétendu Testament politique. On ne s’apercevait pas encore que ce Testament est l’ouvrage d’un faussaire aussi ignorant qu’absurde[2].



CHAPITRE XLVIII.

DU MEURTRE DU MARÉCHAL D’ANCRE ET DE SA FEMME.

De plus grands événements se préparaient ; les factions s’aigrissaient ; Concini, maréchal d’Ancre, n’entrait pas au conseil,

  1. Voyez, dans l’Essai sur l’Histoire générale, une note de l’éditeur sur Sully. (K.) — Les éditeurs de Kehl, auteurs de cette note, n’en ont mis aucune sur Sully dans l’Essai sur les Mœurs, publié précédemment sous le titre d’Essai sur l’Histoire générale. Mais ils ont fait une Addition à l’une des notes du chant VIII de la Henriade. L’établissement de la paulette est de 1604. (B.)
  2. Voyez, tome XV, la note 3 de la page 561.