Dans cette situation, il reçut enfin des nouvelles de Stockholm ; elles lui apprirent la mort de la duchesse de Holstein, sa sœur, que la petite vérole enleva au mois de décembre 1708, dans la vingt-septième année de son âge. C’était une princesse aussi douce et aussi compatissante que son frère était impérieux dans ses volontés, et implacable dans ses vengeances. Il avait toujours eu pour elle beaucoup de tendresse ; il fut d’autant plus affligé de sa perte que, commençant alors à devenir malheureux, il en devenait un peu plus sensible.
Il apprit aussi qu’on avait levé des troupes et de l’argent en exécution de ses ordres ; mais rien ne pouvait arriver jusqu’à son camp, puisque entre lui et Stockholm il y avait près de cinq cents lieues à traverser, et des ennemis supérieurs en nombre à combattre.
Le czar, aussi agissant que lui, après avoir envoyé de nouvelles troupes au secours des confédérés en Pologne, réunis contre Stanislas sous le général Siniawski, s’avança bientôt dans l’Ukraine, au milieu de ce rude hiver, pour faire tête au roi de Suède. Là il continua dans la politique d’affaiblir son ennemi par de petits combats, jugeant bien que l’armée suédoise périrait entièrement à la longue, puisqu’elle ne pouvait être recrutée. Il fallait que le froid fût bien excessif, puisque les deux ennemis furent contraints de s’accorder une suspension d’armes. Mais, dès le 1er de février, on recommença à se battre au milieu des glaces et des neiges.
Après plusieurs petits combats, et quelques désavantages, le roi vit au mois d’avril qu’il ne lui restait plus que dix-huit mille Suédois. Mazeppa seul, ce prince des Cosaques, les faisait subsister : sans ce secours, l’armée eût péri de faim et de misère. Le czar, dans cette conjoncture, fit proposer à Mazeppa de rentrer sous sa domination ; mais le Cosaque fut fidèle à son nouvel allié, soit que le supplice affreux de la roue, dont avaient péri ses amis, le fit craindre pour lui-même, soit qu’il voulût les venger.
Charles, avec ses dix-huit mille Suédois, n’avait perdu ni le dessein ni l’espérance de pénétrer jusqu’à Moscou. Il alla, vers la fin de mai, investir Pultava, sur la rivière Vorskla, à l’extrémité orientale de l’Ukraine, à treize grandes lieues du Borysthène. Ce terrain est celui des Zaporaviens, le plus étrange peuple qui soit sur la terre : c’est un ramas d’anciens Russes, Polonais, et Tartares, faisant tous profession d’une espèce de christianisme et d’un brigandage semblable à celui des flibus-