avec plus de deux mille hommes, dans l’opinion que toute une armée entrait dans Grodno. Il apprend le jour même, par un transfuge polonais, qu’il n’a quitté la place qu’à six cents hommes, et que le gros de l’armée ennemie était encore éloigné de plus de cinq lieues. Il ne perd point de temps ; il détache quinze cents chevaux de sa troupe à l’entrée de la nuit pour aller surprendre le roi de Suède dans la ville. Les quinze cents Moscovites arrivèrent à la faveur de l’obscurité jusqu’à la première garde suédoise, sans être reconnus. Trente hommes composaient cette garde ; ils soutinrent seuls un demi-quart d’heure l’effort des quinze cents hommes. Le roi, qui était à l’autre bout de la ville, accourut bientôt avec le reste de ses six cents gardes. Les Russes s’enfuirent avec précipitation. Son armée ne fut pas longtemps sans le joindre, ni lui sans poursuivre l’ennemi. Tous les corps moscovites répandus dans la Lithuanie se retiraient en hâte du côté de l’orient, dans le palatinat de Minski, près des frontières de la Moscovie, où était leur rendez-vous. Les Suédois, que le roi partagea aussi en divers corps, ne cessèrent de les suivre pendant plus de trente lieues de chemin. Ceux qui fuyaient, et ceux qui poursuivaient, faisaient des marches forcées presque tous les jours, quoiqu’on fût au milieu de l’hiver. Il y avait déjà longtemps que toutes les saisons étaient devenues égales pour les soldats de Charles et pour ceux du czar ; la seule terreur qu’inspirait le nom du roi Charles mettait alors de la différence entre les Russes et les Suédois.
Depuis Grodno jusqu’au Borysthène, en tirant vers l’orient, ce sont des marais, des déserts, des forêts immenses ; dans les endroits qui sont cultivés on ne trouve point de vivres, les paysans enfouissent dans la terre tous leurs grains, et tout ce qui peut s’y conserver : il faut sonder la terre avec de grandes perches ferrées pour découvrir ces magasins souterrains. Les Moscovites et les Suédois se servirent tour à tour de ces provisions ; mais on n’en trouvait pas toujours, et elles n’étaient pas suffisantes.
Le roi de Suède, qui avait prévu ces extrémités, avait fait apporter du biscuit pour la subsistance de son armée : rien ne l’arrêtait dans sa marche. Après qu’il eut traversé la forêt de Minski, où il fallut abattre à tout moment des arbres pour faire un chemin à ses troupes et à son bagage, il se trouva le 25 juin 1708 devant la rivière de Bérézine, vis-à-vis Borislou.
Le czar avait rassemblé en cet endroit la plus grande partie de ses forces ; il y était avantageusement retranché. Son dessein était d’empêcher les Suédois de passer la rivière. Charles posta quelques régiments sur le bord de la Bérézine, à l’opposite de