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ÉDIT DE NANTES.


Cateau-Cambresis[1], sous Henri II, lui avait coûté beaucoup de villes. Celles que firent François Ier et ses prédécesseurs furent ruineuses. Henri IV se fit rendre tout ce que Philippe II avait usurpé dans les temps malheureux de la Ligue ; il fit la paix en victorieux ; la fierté de Philippe II fut abaissée ; il souffrit qu’au congrès de Vervins ses ambassadeurs cédassent en tout la préséance aux ambassadeurs de France, en couvrant son humiliation du vain prétexte que ses plénipotentiaires n’étaient que ceux de l’archiduc Ernest, gouverneur des Pays-Bas, et non pas ceux du roi d’Espagne.

Ce même monarque, qui du temps de la Ligue disait : « Ma ville de Paris, ma ville de Reims, ma ville de Lyon, » et qui n’appelait Henri IV que le prince de Béarn, fut forcé de recevoir la loi de celui qu’il avait méprisé, et qu’il respectait dans son cœur, s’il connaissait la gloire.

Henri IV vint jurer cette paix sur les Évangiles dans l’église cathédrale de Paris[2]. Cette cérémonie se fit avec autant de magnificence que Henri mettait de simplicité dans sa vie privée. (4 et 21 juin 1598) Les ambassadeurs d’Espagne étaient accompagnés de quatre cents gentilshommes. Le roi, à cheval, à la tête de tous les princes, des ducs et pairs et des grands officiers, suivi de six cents gentilshommes des plus distingués du royaume, signa le traité et prononça le serment ayant le légat du pape à sa droite, et les ambassadeurs d’Espagne à sa gauche.

Il n’est point dit que le parlement assista à cette cérémonie, ni qu’il ait enregistré le traité[3] : soit qu’on regardât cette grande solennité du serment comme suffisante, soit qu’on crût que les enregistrements n’étaient nécessaires que pour les édits dont les juges devaient maintenir l’observation. Ce jour fut une des plus célèbres époques du règne trop court de Henri IV.


  1. Voyez tome XII, page 402.
  2. 21 juin 1598. (Note de Voltaire.)
  3. Le traité de paix de Vervins, du 2 mai 1598, a été enregistré au parlement le 31 août de la même année, l’avocat général Servin portant la parole. Dès le mois de juin le parlement l’avait publié ; c’est ce qu’on voit par une lettre de Boissy-d’Anglas à François de Neufchâteau, imprimée dans le Journal de Paris, du 26 septembre 1808. Un des articles du traité portait qu’il serait enregistré. (B.)