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CHAPITRE XXXIII.


injustes, dictées par les ennemis de la France... sans préjudicier à l’honneur du pape. »

Le parlement du roi, alors séant à Tours, fit mieux : il fit briller par la main du bourreau les bulles du pape, et déclara Grégoire, soi-disant pape, perturbateur du repos public, et complice de l’assassinat de Henri III, puisqu’il l’avait approuvé.

Le parlement de Paris, de son côté, pressé par les ligueurs, fit briller l’arrêt de celui de Tours au pied du grand escalier, et lui donna les qualifications d’exécrable et d’abominable.

Le parlement de Tours traita de même l’arrêt du parlement de Paris. Il fallait que la victoire jugeât de ces disputes ; mais Henri IV, à qui le duc de Parme avait fait lever le siége de Paris et de Rouen, n’était pas encore en état d’avoir raison[1].

Le premier président, Achille de Harlai, était alors auprès du roi ; c’était lui qui soutenait la dignité du parlement de Tours et de Châlons. Il s’était enfin racheté de la prison de la Bastille, et avait trouvé le moyen de se rendre auprès de Henri IV. Il conçut le premier l’idée de secouer enfin pour jamais le joug du pape, et de créer un patriarche. Le cardinal de Lenoncourt et l’archevêque de Bourges entraient dans ce dessein ; mais il était impraticable. Il eût fallu changer tout d’un coup l’opinion des hommes, qui ne change qu’avec le temps, ou avoir assez de troupes et assez d’argent pour commander à l’opinion.

Cependant ce parlement statua des règlements dignes de la liberté de l’Église gallicane. Toutes les nominations du roi aux évêchés et aux abbayes devaient être confirmées par l’archevêque de la métropole, sans recourir à une bulle du pape ; tout le clergé conserverait ses droits, indépendamment des ordres de Rome ; les évêques accorderaient les mêmes dispenses que le pape. Ce règlement était aussi sage que hardi : il réprimait l’ambition d’une cour étrangère, et flattait le clergé national ; et cependant, à peine eut-il lieu quelques mois : l’Église était aussi déchirée que l’État ; la même ville était prise tour à tour par des catholiques et par des protestants ; l’ordre et la police ne sont pas le partage d’une guerre civile.

  1. Daniel supprime ou étrangle tous ces faits rapportés par de Thou. Ce n’est pas la peine d’écrire l’histoire de France pour oublier des choses si capitales. (Note de Voltaire.)