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CHAPITRE XXXII.


la sainte Trinité, que quiconque osait parler de paix était désobéissant à l’Église, notre sainte mère, et en devait être retranché comme un membre pourri et gangrené ».

Le 5 mars de la même année, le parlement fit publier un nouvel arrêt par lequel il était défendu, sous peine de mort, d’avoir la moindre correspondance avec Henri IV, et ordonné de reconnaître le fantôme Charles X pour roi, et le duc de Mayenne, lieutenant général de l’État royal, pour maître.

Henri IV répondait aux parlements et à la Sorbonne en gagnant la bataille d’Ivry[1]. Le cardinal de Bourbon, Charles X, reconnu roi dans Paris et dans une partie de la France, mourut quelque temps après au château de Châtenai[2] en Poitou, où Henri IV l’avait fait transférer. La Ligue ne s’occupa qu’à faire élire un nouveau roi. L’intention de Philippe II était de donner le royaume de France à sa fille Claire-Eugénie, qui devait épouser le duc de Guise, fils du Balafré, assassiné à Blois.

On faisait toujours rendre des arrêts par le parlement, et ce qu’on appelle des décrets, par la Sorbonne. Celle-ci, par son décret du 7 mai 1590, promettait la couronne du martyre à quiconque avait le bonheur de mourir en combattant contre Henri IV.

Ce fut en vertu[3] de ce décret que se fit cette fameuse procession de la Ligue, en présence du cardinal Cajetan, légat du pape, de plusieurs évêques italiens, et du jésuite Bellarmin, depuis cardinal, qui tous avaient suivi le légat.

L’évêque de Senlis, Guillaume Rose, était à la tête, portant un crucifix d’une main, et une hallebarde de l’autre. Après lui venait le prieur des chartreux, suivi de tous ses moines, l’habit retroussé, le capuchon abattu, un casque en tête. Les quatre ordres mendiants, les minimes, les capucins, marchaient dans le même équipage, portant tous de vieux mousquets avec un air menaçant, les yeux enflammés, en grinçant les dents, comme dit le président de Thou.

Le curé de Saint-Côme faisait l’office de sergent ; il ordonnait la marche, les haltes, les salves de mousqueterie. Les moines défilant devant le coche du légat, l’un d’eux tua son aumônier

  1. 14 mars 1590. (Note de Voltaire.)
  2. 9 mai 1590. (Id.) — Cette date est celle que portent les éditions données du vivant de Voltaire ; c’est celle qu’on lit dans l’épitaphe rapportée par Dreux du Radier, page 469 du tome III de la Bibliothèque du Poitou. Ce fut à Fontenai-le-Comte que mourut le cardinal de Bourbon. (B.)
  3. 5 juin 1590. (Note de Voltaire.)