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CHAPITRE XXVIII.


-Denis[1], où le connétable de Montmorency reçut sept blessures mortelles. Le chancelier de l’Hospital, après chaque bataille, trouvait le moyen de faire rendre un édit de pacification. Ils étaient aussi nécessaires qu’ils devinrent inutiles : celui-ci, qui était très-ample, et qui accordait la plus grande liberté de conscience, fut enregistré au parlement de Paris (27 mars 1568) ; mais quand le roi eut fait porter cet édit au parlement de Toulouse par un gentilhomme nommé Rapin, qui avait appartenu au prince de Condé, le parlement de Toulouse, au lieu de faire vérifier l’édit, fit couper la tête à Rapin. On peut juger si une telle violence servit à concilier les esprits. Elle fut d’autant plus funeste qu’elle demeura impunie. Le meurtre de René de Savoie, comte de Cipierre, assassiné dans la ville de Fréjus avec toute sa suite pour avoir favorisé la religion protestante, qui n’était pas la sienne, fut un nouveau signal de guerre.

Pour comble de malheur, précisément dans ce temps-là, le pape Pie V, Ghisleri, autrefois dominicain, violent persécuteur d’une religion ennemie de son pouvoir, envoya au roi une bulle qui lui permettait d’aliéner le fonds de cinquante mille écus de rente de biens ecclésiastiques, à condition qu’il exterminerait les huguenots dans son royaume.

L’Hospital s’opposa fortement dans le conseil à cette bulle, qui trafiquait du sang des Français ; mais le cardinal de Lorraine l’emporta. L’Hospital se retira dans sa maison de campagne, et se démit de sa place de chancelier. Il est à croire que s’il eût gardé cette place, les calamités de la France auraient été moins horribles, et qu’on n’aurait pas vu arriver la journée de la Saint-Barthélemy.

Dès que le seul homme qui inspirait des sentiments de douceur fut sorti du conseil, la cour fut entièrement livrée au cardinal de Lorraine et au pape ; on révoqua tous les édits de paix, on en publia coup sur coup qui défendaient sous peine de la vie toute autre religion que la catholique romaine. On ordonna à tous les prédicants ou ministres calvinistes de sortir du royaume quinze jours après la publication. Les protestants furent privés de leurs charges et de la magistrature. Le parlement de Paris, en publiant ces édits, y ajouta une clause, ce qui ne s’était jamais fait auparavant. Cette clause était qu’à l’avenir tout homme reçu en charge ferait serment de vivre et de mourir dans la religion catholique romaine, et cette loi a subsisté depuis dans toute sa force.

  1. 10 novembre 1566. (Note de Voltaire.)