vogue dans son temps, et par la réputation de l’auteur, et par la chaleur des disputes. Cette chaleur s’est attiédie ; les livres ont été oubliés. Il n’est resté que ce qui appartenait simplement à la raison, sa Géométrie, la Grammaire raisonnée, la Logique, auxquelles il eut beaucoup de part. Personne n’était né avec un esprit plus philosophique ; mais sa philosophie fut corrompue en lui par la faction qui l’entraîna, et qui plongea soixante ans, dans de misérables disputes de l’école et dans les malheurs attachés à l’opiniâtreté, un esprit fait pour éclairer les hommes.
L’université étant partagée sur ces cinq fameuses propositions, les évêques le furent aussi. Quatre-vingt-huit évêques de France écrivirent en corps à Innocent X pour le prier de décider ; et onze autres écrivirent pour le prier de n’en rien faire. Innocent X jugea ; il condamna chacune des cinq propositions à part ; mais toujours sans citer les pages dont elles étaient tirées, ni ce qui les précédait et ce qui les suivait.
Cette omission, qu’on n’aurait pas faite dans une affaire civile au moindre des tribunaux, fut faite et par la Sorbonne, et par les jansénistes, et par les jésuites, et par le souverain pontife. Le fond des cinq propositions condamnées est évidemment dans Jansénius. Il n’y a qu’à ouvrir le troisième tome, à la page 138, édition de Paris, 1641 ; on y lira mot à mot : « Tout cela démontre pleinement et évidemment qu’il n’est rien de plus certain et de plus fondamental, dans la doctrine de saint Augustin, qu’il y a certains commandements impossibles, non-seulement aux infidèles, aux aveugles, aux endurcis, mais aux fidèles et aux justes, malgré leurs volontés et leurs efforts, selon les forces qu’ils ont ; et que la grâce, qui peut rendre ces commandements possibles, leur manque. » On peut aussi lire, à la page 165, que « Jésus-Christ n’est pas, selon saint Augustin, mort pour tous les hommes ».
Le cardinal Mazarin fit recevoir unanimement la bulle du pape par l’assemblée du clergé. Il était bien alors avec le pape ; il n’aimait pas les jansénistes, et il haïssait avec raison les factions.
La paix semblait rendue à l’Église de France ; mais les jansénistes écrivirent tant de lettres, on cita tant saint Augustin, on fit agir tant de femmes, qu’après la bulle acceptée il y eut plus de jansénistes que jamais.
Un prêtre de Saint-Sulpice s’avisa de refuser l’absolution à M. de Liancourt parce qu’on disait qu’il ne croyait pas que les cinq propositions fussent dans Jansénius, et qu’il avait dans sa maison des hérétiques. Ce fut un nouveau scandale, un nouveau sujet d’écrits. Le docteur Arnauld se signala, et dans une nouvelle