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CHAPITRE XXIV.


le premier homme ; et le maréchal de Saint-André, qui commandait sous le connétable.

À la tête de l’armée protestante était le prince Louis de Condé, l’amiral de Coligny, et son frère d’Andelot : presque tous les officiers de l’une et de l’autre armée étaient ou parents ou alliés, et chaque parti avait amené des troupes étrangères à son secours.

L’armée catholique avait des Suisses, l’autre avait des reîtres. Ce n’est pas ici le lieu de décrire cette bataille : elle fut, comme toutes celles que les Français avaient données, sans ordre, sans art, sans ressource prévue. Il n’y eut que le duc de Guise qui sut mettre un ordre certain dans le petit corps de réserve qu’il commandait. Le connétable fut enveloppé et pris, comme il l’avait été à la bataille de Saint-Quentin. Le prince de Condé eut le même sort. Le maréchal de Saint-André, abandonné des siens, fut tué par le fils du greffier de l’Hôtel de Ville de Paris, nommé Bobigny. Ce maréchal avait emprunté de l’argent au greffier : au lieu de payer le père, il avait maltraité le fils. Celui-ci jura de s’en venger, et tint parole. Un simple citoyen qui a du courage est supérieur, dans une bataille, à un seigneur de cour qui n’a que de l’orgueil.

Le duc de Guise, voyant les deux chefs opposés prisonniers, et tout en confusion, fit marcher à propos son corps de réserve, et gagna le champ de bataille : ce fut le 20 décembre 1562. François de Guise alla bientôt après faire le siége d’Orléans. Ce fut là qu’il fut assassiné, le 18 février 1563, par Poltrot de Méré[1], gentilhomme angoumois. Ce n’était pas le premier assassinat que la rage de religion avait fait commettre. Il y en avait eu plus de quatre mille dans les provinces ; mais celui-ci fut le plus signalé, par le grand nom de l’assassiné et par le fanatisme du meurtrier, qui crut servir Dieu en tuant l’ennemi de sa secte.

J’anticiperai ici un peu le temps pour dire que, quand Charles IX revint à Paris après sa majorité, la mère du duc de Guise, Antoinette de Bourbon, sa femme Anne d’Este, et toute sa famille, vinrent en deuil se jeter aux genoux du roi, et demander justice contre l’amiral Coligny, qu’on accusait d’avoir encouragé Poltrot à ce crime.

Le parlement condamna Poltrot, le 18 mars, à être déchiré avec des tenailles ardentes, tiré à quatre chevaux et écartelé, supplice réservé aux assassins des rois. Le criminel varia toujours à la question, tantôt chargeant l’amiral Coligny et d’Andelot, son

  1. Voyez tome XII, page 505 ; François de Guise ne mourut que six jours après ses blessures.