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DE LA RÉGENCE DE CATHERINE DE MÉDICIS.


que, dans les divisions et dans les malheurs de l’État, il ne fallait pas imiter Caton, à qui Cicéron reprochait d’opiner dans le sein de la corruption comme il eût fait dans les temps vertueux de la république.

On proposa des tempéraments qui adoucissaient encore l’édit de juillet. Par ce nouvel édit, longtemps connu sous le nom d’édit de janvier, il fut permis aux réformés d’avoir des temples dans les faubourgs de toutes les villes. Nul magistrat ne devait les inquiéter ; au contraire, on devait leur prêter main-forte contre toute insulte, et condamner à mille écus d’or d’amende ceux qui troubleraient leurs assemblées ; mais aussi ils devaient restituer les églises, les maisons, les terres, les dîmes, dont ils s’étaient emparés. Ils ne pouvaient, par cet édit, convoquer aucun synode qu’en présence des magistrats du lieu. Enfin on leur enjoignait d’être en tout des citoyens soumis, en servant Dieu selon leur conscience.

Quand il fallut enregistrer ce nouvel édit, le parlement fit encore plusieurs remontrances. Enfin, après trois lettres de jussion, il obéit, le 6 mars[1], en ajoutant la clause « qu’il cédait à la volonté absolue du roi ; qu’il n’approuvait point la religion nouvelle, et que l’édit ne subsisterait que jusqu’à nouvel ordre ». Cette clause, dictée par le parti des Guises et du triumvirat, inspira la défiance aux réformés, et rendit les deux édits de pacification inutiles.

Les querelles d’État et de religion augmentèrent par les moyens mêmes qu’on avait pris pour les pacifier. Le petit triumvirat, la faction des Guises et celle des prêtres, menaçaient et choquaient dans toutes les occasions le parti des Condé, des Coligny et des réformés : on était encore en paix, mais on respirait la guerre civile.

Le hasard qui causa le massacre de Vassy fit enfin courir la France entière aux armes ; et si ce hasard n’en avait pas été la cause, d’autres étincelles auraient suffi pour allumer l’embrasement[2].

  1. 1562. (Note de Voltaire.)
  2. Il est très-douteux que ce tumulte ait été l’effet du hasard : toutes les apparences y sont contraires. Le duc de Guise, à la mort, protesta, dit-on, de son innocence. Mais le duc de Guise, qui, après avoir immolé cent mille victimes à son ambition, osait dire que sa religion lui ordonnait de pardonner ; le duc de Guise qui, après avoir dirigé, sous François II, les intrigues qui devaient conduire lo prince de Condé sur un échafaud, déclara publiquement, sous Charles IX, que jamais il n’avait trompé dans les projets des ennemis du prince, et offrit de lui servir de second contre eux, ce même duc de Guise mérite-t-il d’être cru sur parole lorsqu’en