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DES SUPPLICES INFLIGÉS AUX PROTESTANTS.




CHAPITRE XIX.


DES SUPPLICES INFLIGÉS AUX PROTESTANTS ; DES MASSACRES DE MÉRINDOL, ET DE CABRIÈRES, ET DU PARLEMENT DE PROVENCE JUGÉ CRIMINELLEMENT PAR LE PARLEMENT DE PARIS.


La coutume horrible de juger et de condamner à mort pour des opinions religieuses fut introduite chez les chrétiens dès le IVe siècle de l’ère vulgaire. Ce nouveau fléau, qui affligea la nature humaine, fut apporté d’Espagne par deux évêques nommés Itace et Idace, comme depuis un autre Espagnol introduisit l’horreur de l’Inquisition. C’est ce qu’on peut voir en général dans l’Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations[1].

Les chrétiens s’étaient mutuellement égorgés dès longtemps auparavant, mais ils ne s’étaient pas encore avisés de se servir du glaive de la justice.

Cette nouvelle barbarie s’étant donc introduite chez les chrétiens, le roi Robert, le même que le pape Grégoire V avait osé excommunier pour avoir épousé sa commère[2], le même qui avait quitté sa femme sur ce prétexte, et qui, étant fils d’un usurpateur mal affermi, cherchait à se concilier le siége de Rome, voulut lui complaire en faisant brûler dans Orléans, en sa présence, plusieurs chanoines accusés d’avoir conservé les anciens dogmes de l’ancienne Église des Gaules, qui ne connaissait ni le culte des images, ni la transsubstantiation, ni d’autres institutions. On les appelait manichéens[3], nom qu’on donnait alors à tous les hérétiques.

Le confesseur de la nouvelle reine Constance était du nombre de ces infortunés. Sa pénitente, dans un mouvement de zèle, lui creva un œil d’un coup de baguette, lorsqu’il allait au supplice. Tous ses compagnons et lui se jetèrent dans les flammes en chantant des psaumes, et crurent avoir la couronne du martyre.

Ceux qu’on appela Vaudois et Albigeois vinrent ensuite[4] : tous voulaient rétablir la primitive Église, et comme un de leurs

  1. Tome XI, pages 496 et 501 ; tome XII, page 347 ; voyez aussi les mots Aranda et Inquisition dans le Dictionnaire philosophique.
  2. Voyez tome XI, page 352.
  3. Ibid., page 379.
  4. Ibid., page 493.