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DU DUEL ENTRE CHARLES-QUINT ET FRANÇOIS Ier.


« Vous faisons entendre que si vous nous avez voulu ou voulez nous charger, que jamais nous ayons fait chose qu’un gentilhomme, aimant son honneur, ne doive faire, nous disons que vous avez menti par la gorge, et qu’autant de fois que vous le direz vous mentirez ; étant délibéré de défendre notre honneur jusqu’au dernier bout de notre vie ; pour quoi, puisque contre vérité vous nous avez voulu charger, désormais ne nous écrivez aucune chose, mais nous assurez le camp, et nous vous porterons les armes ; protestant que si, après cette déclaration, en autres lieux vous écrivez ou dites paroles qui soient contre notre honneur, que la honte du délai en sera vôtre ; vu que venant audit combat, c’est la fin de toutes écritures. Fait en notre bonne ville et cité de Paris, le vingt-huitième jour de mars de l’an 1527, avant Pâques. François. »

(10 septembre 1528) Le roi envoya ce cartel à l’empereur par un héraut d’armes. Charles-Quint envoya sa réponse par un autre héraut. Le roi la reçut dans la grand’salle du palais ; il était sur un trône élevé de quinze marches devant la table de marbre. À sa droite, sur un grand échafaud, étaient assis le roi de Navarre, le duc d’Alençon, le comte de Foix, le duc de Vendôme, le duc de Ferrare de la maison d’Esté, le duc de Chartres, le duc d’Albanie, régent d’Écosse. De l’autre côté étaient le cardinal Salviati, légat du pape, les cardinaux de Bourbon, Duprat, de Lorraine, l’archevêque de Narbonne.

Au-dessous des princes étaient les présidents et les conseillers du parlement, et au-dessous du banc des prélats étaient les ambassadeurs. Ce fut la première fois que le parlement en corps prit place dans une assemblée de tous les grands et de tous les ministres étrangers : et il y tint la place la plus honorable qu’on pût lui donner.

Il est vrai que ce grand appareil se réduisit à rien ; le roi ne voulut écouter le héraut de l’empereur qu’en cas qu’il apportât la sûreté du camp, c’est-à-dire la désignation du lieu où Charles-Quint voulait combattre. En vain le héraut voulut parler, le roi lui imposa silence.

Nous ne rapportons ici cette illustre et vaine cérémonie que pour faire voir dans quelle considération était alors le parlement de Paris. Les maîtres des requêtes et les conseillers du grand conseil furent placés derrière les évêques pairs de France, et les autres prélats ; les membres de la chambre des comptes n’eurent point de séance, quoique d’ordinaire ils en aient une égale à celle du parlement, dans toutes les cérémonies publiques.