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CHAPITRE V.


vernement originairement militaire, et j’oserais dire barbare. C’est en vain qu’ils prirent les titres de chevaliers ès lois, de bacheliers ès lois, à l’imitation des chevaliers et des écuyers ; jamais ils ne furent agrégés au corps de la noblesse ; jamais leurs enfants n’entrèrent dans les chapitres nobles. Ils ne purent avoir de séance dans les états généraux ; le baronnage n’aurait pas voulu les recevoir, et ils ne voulaient pas être confondus dans le tiers état. (1355) Lors même que les états généraux se tinrent dans la grande salle du palais, aucun membre du parlement, qui siégeait dans la chambre voisine, n’eut place dans cette salle. Si quelque baron conseiller y fut admis, ce fut comme baron, et non comme conseiller. Marcel, prévôt des marchands, était à la tête du tiers état, et c’est encore une confirmation que le parlement, suprême cour de judicature, n’avait pas le moindre rapport aux anciens parlements français.

Lorsque Édouard III disputa d’abord la régence, avant de disputer la couronne de France à Philippe de Valois, aucun des deux concurrents ne s’adressa au parlement de Paris. On l’aurait certainement pris pour juge et pour arbitre s’il avait tenu la place de ces anciens parlements qui représentaient la nation. Toutes les chroniques de ce temps-là nous disent que Philippe s’adressa aux pairs de France et aux principaux barons, qui lui adjugèrent la régence. Et quand la veuve de Charles le Bel, pendant cette régence, eut mis au monde une fille, Philippe de Valois se mit en possession du royaume sans consulter personne.

Lorsque Édouard rendit si solennellement hommage à Philippe, aucun député du parlement n’assista à cette grande cérémonie.

Philippe de Valois, voulant juger Robert, comte d’Artois, convoqua les pairs lui-même par des lettres scellées de son sceau, « pour venir devant nous, en notre cour, suffisamment garnie de pairs ».

Le roi tint sa cour au Louvre ; il créa son fils Jean pair de France, pour qu’il pût assister à cette assemblée. Les magistrats du parlement y eurent place comme assesseurs versés dans les lois ; ils obtinrent l’honneur de juger avec le roi de Bohême, avec tous les princes et pairs. Le procureur du roi forma l’accusation. Robert d’Artois n’aurait pu être jugé dans la chambre du parlement, ce n’était pas l’usage, et il ne pouvait se tenir pour jugé si le roi n’avait été présent.

Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe le Long, Marguerite de Bourgogne, femme de Louis Hutin, duc d’Alençon, accusées