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DES BARONS SIÉGEANTS EN PARLEMENT.


des gens qui, sachant lire et écrire, tenaient les comptes de la cuisine ; il y en a encore chez les rois d’Angleterre, qui ont conservé beaucoup d’anciens usages entièrement perdus à la cour de France.

La science s’appelait clergie, et de là vient le terme de mauclerc, qui signifiait un ignorant, ou un savant qui abusait de son érudition.

Les rapporteurs des enquêtes n’étaient donc pas tous des clercs d’église ; il y avait des séculiers savants dans le droit civil et le droit canon, c’est-à-dire un peu plus instruits que les autres dans les préjugés qui régnaient alors.

Le comte de Boulainvilliers et le célèbre Fénelon prétendent qu’ils furent tous tirés de la condition servile ; mais certainement il y avait alors dans Paris, dans Orléans, dans Reims, des bourgeois qui n’étaient point serfs ; et c’était sans contredit le plus grand nombre. Aurait-on admis en effet des esclaves aux états généraux, au grand parlement, ou états généraux de France, en 1302 et en 1355[1] ?

Ces commissaires-enquêteurs, qui firent bientôt corps avec le nouveau parlement, forcèrent, par leur mérite et par leur science, le monarque à leur confier cet important ministère, et les barons-juges à former leur opinion sur leur avis.

Ceux qui ont prétendu que la juridiction appelée parlement, s’assemblant deux fois par an pour rendre la justice, était une continuation des anciens parlements de France, paraissent être tombés dans une erreur volontaire, qui n’est fondée que sur une équivoque.

Les pairs-barons, qui assistaient aux vrais parlements, aux états généraux, y venaient par le droit de leur naissance et de leurs fiefs ; le roi ne pouvait les en empêcher ; ils venaient joindre leur puissance à la sienne, et étaient bien éloignés de recevoir des gages pour venir décider de leurs propres intérêts au champ de mars et au champ de mai. Mais dans le nouveau parlement judiciaire, dans cette cour qui succéda aux parloirs du roi, aux conseils du roi, les conseillers recevaient cinq sous parisis chaque jour. Ils exerçaient une commission passagère, et très-souvent ceux qui avaient siégé à Pâques n’étaient plus juges à la Toussaint.

(1320) Philippe le Long ne voulut plus que les évêques eussent le droit de siéger dans ce tribunal, et c’est une nouvelle preuve

  1. Sur les états généraux de 1355, voyez tome XII, page 24.