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DES PARLEMENTS JUSQU’À PHILIPPE LE BEL.


Les serfs qui avaient amassé quelque argent avaient ainsi acheté leur liberté de leurs rois ou seigneurs, et la plupart des villes rentraient peu à peu dans leurs droits naturels, dans leur bon sens, in sanum intellectum : en effet le bon sens est opposé à l’esclavage.

Le règne de saint Louis est une grande époque ; presque tous les hauts-barons de France étant morts, ou ruinés dans sa malheureuse croisade, il en devint plus absolu à son retour, tout malheureux et tout appauvri qu’il était. Il institua les quatre grands bailliages de Vermandois, de Sens, de Saint-Pierre-le-Moutier, et de Mâcon, pour juger en dernier ressort les appels des justices des seigneurs qui n’eurent pas assez de puissance pour s’y opposer ; et au lieu qu’auparavant les barons jugeaient souverainement dans leurs terres, la plupart furent obligés de souffrir qu’on appelât de leurs arrêts aux bailliages du roi.

Il est vrai que ces appels furent très-rares : les sujets qui osaient se plaindre de leur seigneur dominant au seigneur suzerain se seraient trop exposés à la vengeance.

Saint Louis fit encore une autre innovation dans la séance des parlements. Il en assembla quelquefois de petits, où il convoqua des clercs qui avaient étudié le droit canon ; mais cela n’arrivait que dans des causes particulières qui regardaient les droits des prélats. Dans une séance d’un parlement, on examina la cause de l’abbé de Saint-Benoît-sur-Loire ; et les clercs, maître Jean de Troyes, et maître Julien de Péronne, donnèrent leurs avis avec le connétable, le comte de Ponthieu, et le grand-maître des arbalétriers.

Ces petits parlements n’étaient point regardés comme les anciens parlements de la nation : on les appelait parloirs du roi, parloirs au roi ; c’étaient des conseils que le roi tenait, quand il voulait, pour juger des affaires où les baillis trouvaient trop de difficulté.

Tout changea bien autrement sous Philippe IV, surnommé le Bel, petit-fils de Saint-Louis. Comme on avait appelé du nom de parlements ces parloirs du roi, ces conseils où il ne s’agissait pas des intérêts de l’État, les vrais parlements, c’est-à-dire les assemblées de la nation, ne furent plus connus que sous le nom d’états généraux, nom beaucoup plus convenable puisqu’il exprimait à la fois les représentants de la nation entière et les intérêts publics. Philippe appela, pour la première fois, le tiers état à ces grandes assemblées (1302). Il s’agissait en effet des plus grands intérêts de l’État, de réprimer le pape Boniface VIII, qui osait