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d’anciens préjugés, est presque toujours la dernière à recevoir les vérités et les usages utiles qui lui viennent des autres pays.

Sur la fin d’avril 1774, ce roi, allant à la chasse, rencontre le convoi d’une personne qu’on portait en terre ; la curiosité naturelle qu’il avait pour les choses lugubres le fait approcher du cercueil ; il demande qui on va enterrer : on lui dit que c’est une jeune fille morte de la petite vérole. Dès ce moment il est frappé à mort sans s’en apercevoir.

Deux jours après, son chirurgien-dentiste, en examinant ses gencives, y trouve un caractère qui annonce une maladie dangereuse ; il en avertit un homme attaché au roi ; sa remarque est négligée ; la petite vérole la plus funeste se déclare. Plusieurs de ses officiers sont attaqués de la même maladie, soit en le soignant, soit en s’approchant de son lit, et en meurent. Trois princesses, ses filles, que leur tendresse et leur courage retiennent auprès de lui, reçoivent les germes du poison qui dévore leur père, et éprouvent bientôt le même mal et le même danger, dont heureusement elles réchappèrent.

Louis XV meurt la nuit du 10 de mai. On couvre son corps de chaux, et on l’emporte, sans aucune cérémonie, à Saint-Denis, auprès du caveau de ses pères.

L’histoire n’omettra point que le roi, son petit-fils, le comte de Provence et le comte d’Artois, frères de Louis XVI, tous trois dans une grande jeunesse, apprirent aux Français, en se faisant inoculer, qu’il faut braver le danger pour éviter la mort. La nation fut touchée et instruite. Tout ce que Louis XVI fit depuis, jusqu’à la fin de 1774, le rendit encore plus cher à toute la France.


CHAPITRE XLII[1].

DES LOIS.


Les esprits s’éclairèrent dans le siècle de Louis XIV et dans le suivant, plus que dans tous les siècles précédents. On a vu com-

  1. Ce chapitre a été ajouté en 1769. Près de la moitié est extraite textuellement du Commentaire que Voltaire avait publié en 1766, sur le livre Des Délits et des Peines. Voyez les Mélanges.