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CHAPITRE XXXVIII.

ASSASSINAT DU ROI DE PORTUGAL. JÉSUITES CHASSÉS DU PORTUGAL ET ENSUITE DE LA FRANCE.


Un ordre religieux ne devrait pas faire partie de l’histoire. Aucun historien de l'antiquité n’est entré dans le détail des établissements des prêtres de Cybèle ou de Junon. C’est un des malheurs de notre police européane que les moines, destinés par leur institut à être ignorés, aient fait autant de bruit que les princes, soit par leurs immenses richesses, soit par les troubles qu’ils ont excités depuis leur fondation.

Les jésuites étaient, comme on sait, les souverains véritables du Paraguai, en reconnaissant le roi d’Espagne. La cour d’Espagne avait cédé, par un traité d’échange, quelques districts de ces contrées au roi de Portugal Joseph II[1], de la maison de Bragance. On accusa les jésuites de s’y être opposés, et d’avoir fait révolter les peuplades qui devaient passer sous la domination portugaise. Ce grief, joint à beaucoup d’autres, fit chasser les jésuites de la cour de Lisbonne.

Quelque temps après, la famille Tavora, et surtout le duc d’Aveiro, oncle de la jeune comtesse Ataïde d’Atouguia ; le vieux marquis et la marquise de Tavora, père et mère de la jeune comtesse ; enfin le comte Ataïde, son époux, et un des frères de cette comtesse infortunée, croyant avoir reçu du roi un outrage irréparable, ils résolurent de s’en venger. La vengeance s’accorde très-bien avec la superstition. Ceux qui méditent un grand attentat cherchent parmi nous des casuistes et des confesseurs qui

    crédit ? Comment s’assurer qu’il n’y aura pas de troubles, si ceux mêmes qui devraient les réprimer s’unissent en secret avec les brouillons qui les excitent ?

    Dans une monarchie, c’est à la cour seule que se forment les orages ; c’est là que sont les vrais perturbateurs ; c’est de là que partent les intrigues qui excitent les factions, ou les ordres violents qui soulèvent les peuples. À la Chine, on rend ceux qui gouvernent responsables des troubles, quelle qu’en soit la cause ou le prétexte ; cette loi n'est pas injuste en elle-même, mais elle est absurde. C’est donner un moyen de plus à ceux qui veulent déplacer un gouverneur ou un ministre ; le seul remède à ce mal est de n’avoir pour ministres que des hommes honnêtes et guidés par les mêmes principes de politique. (K.)

  1. Lisez Joseph Ier, voyez page 173. Il n’y a encore eu qu’un monarque portugais du nom de Joseph.