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pussent avoir des suites si horribles ; mais c’est ainsi que les démences et les fureurs des hommes sont liées ensemble. L’esprit des Poltrot et des Jacques Clément, qu’on avait cru anéanti, subsiste donc encore dans les âmes féroces et ignorantes ! La raison pénètre en vain chez les principaux citoyens : le peuple est toujours porté au fanatisme, et peut-être n’y a-t-il d’autre remède à cette contagion que d’éclairer enfin le peuple même ; mais on l’entretient quelquefois dans des superstitions, et on voit ensuite avec étonnement ce que ces superstitions produisent.

Cependant seize conseillers qui avaient donné leur démission étaient envoyés en exil, et l’un d’eux[1], qui était clerc, et qui fut depuis conseiller d’honneur, célèbre pour son patriotisme et pour son éloquence, fonda une messe à perpétuité pour remercier Dieu d’avoir conservé la vie du roi qui l’exilait.

On confina aussi plusieurs officiers du parlement de Besançon dans différentes villes pour avoir refusé l’enregistrement d’un second vingtième, et pour avoir donné un décret contre l’intendant de la province.

Le roi, malgré l’attentat commis sur sa personne, malgré une guerre ruineuse, s’occupait toujours du soin d’étouffer les querelles des parlements et du clergé, essayant de contenir chaque état dans ses bornes, exilant encore l’archevêque de Paris pour avoir contrevenu à ses lois dans la simple élection de la supérieure d’un couvent ; rappelant ensuite ce prélat, et rendant toujours par la modération la fermeté plus respectable. Enfin les affaires même du parlement de Paris s’accommodèrent ; les membres de ce corps qui avaient donné leur démission reprirent leurs charges et leurs fonctions : tout a paru tranquille au dedans jusqu’à ce que le faux zèle et l’esprit de parti fassent naître de nouveaux troubles.[2]

  1. L’abbé de Chauvelin. (Note de Voltaire.)
  2. Il ne sera pas inutile d’observer ici que tous ces troubles n’eurent d’éclat et d’importance que par les divisions du ministère. Toute opération du gouvernement qui n’est pas de nature à soulever le peuple ne peut exciter aucun trouble dans une monarchie tant qu’il subsiste de la force et de l’union dans le conseil du prince.
    Rien n’est funeste aux rois que leur propre faiblesse.

    Ce vers renferme toute la politique des monarques dans ce qui intéresse la tranquillité de l’État, leur autorité, leur sûreté.

    Mais comment se flatter que la tranquillité se rétablisse, lorsque chaque parti contre lequel le gouvernement se déclare est sûr d’avoir des protecteurs dans le gouvernement même, et peut espérer de les voir bientôt s’emparer du premier