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séculiers prescrivissent l’administration des sacrements, en leur permettant seulement de juger des abus et des délits commis dans cette administration, enjoignant aux évêques de prescrire à tous les curés la modération et la discrétion, et voulant que toutes les querelles passent fussent ensevelies dans l’oubli (13 décembre 1756). Il ordonna que nul conseiller n’aurait voix délibérative avant l’âge de vingt-cinq ans, et que personne ne pourrait opiner dans l’assemblée des chambres qu’après avoir servi dix années. Il fit enfin les plus expresses « inhibitions d’interrompre, sous quelque prétexte que ce pût être, le service ordinaire ».

Le chancelier alla aux avis pour la forme ; le parlement garda un profond silence ; le roi dit qu’il voulait être obéi, et « qu’il punirait quiconque oserait s’écarter de son devoir ».

Le lendemain quinze conseillers de la grand’chambre remirent leur démission sur le bureau. Cent quatre-vingts membres du parlement[1] se démirent bientôt de leurs charges. Les murmures furent grands dans toute la ville.

Parmi tant d’agitations qui troublaient tous les esprits au milieu d’une guerre funeste, dans le prodigieux dérangement des finances, qui rendait cette guerre plus dangereuse et qui irritait l’animosité des mécontents ; enfin parmi les épines des divisions semées de tous côtés entre les magistrats et le clergé, dans le bruit de toutes ces clameurs, il était très-difficile de faire le bien, et il ne s’agissait presque plus que d’empêcher qu’on ne fît beaucoup de mal.

  1. Lorsqu’en 1763 ce morceau faisait partie du chapitre lix du Siècle de Louis XIV, Voltaire avait d’abord mis : « Cent quatre-vingts membres se démirent de leurs charges ; les murmures furent grands dans la ville, et le roi fut assassiné, etc. » (Voyez le chapitre suivant.) Mais la fatale feuille qui contenait cette phrase ne fut point tirée ainsi : « Je sentis, écrit malignement Voltaire à d’Argental, que ces mots pourraient faire soupçonner à des grammairiens que cet assassinat fut le fruit immédiat du lit de justice, comme en effet Damiens l’avoua dans ses interrogatoires à Versailles et à Paris. Je sais bien qu’il est permis de dire une vérité que le parlement a fait imprimer lui-même ; mais j’ai bien senti aussi que le parlement serait fâché qu’on vît dans l’histoire ce qu’on voit dans le procès-verbal. » Et il annonce que « malgré son juste ressentiment contre l’infâme condamnation de la Loi naturelle », il a mis à la place : « Ces émotions furent bientôt ensevelies, etc. » C’est la phrase qui commence le chapitre xxxvii. (G. A.)