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y fit enregistrer ses édits[1] ; mais le parlement, de retour à Paris, protesta contre cet enregistrement. Il prétendait que non-seulement il n’avait pas eu la liberté nécessaire de l’examen, mais que cet édit demandait des modifications qui ne blessassent ni les intérêts du roi[2], ni ceux de l’État, qui étaient les mêmes et qu’il avait fait serment de maintenir ; et il disait que son devoir n’était pas de plaire, mais de servir : ainsi le zèle combattait l’obéissance.

Les épines du schisme se mêlaient à l’importante affaire des impôts. Un conseiller du parlement, malade à sa campagne, dans le diocèse de Meaux, demanda les sacrements ; un curé les lui refusa comme à un ennemi de l’Église, et le laissa mourir sans cette cérémonie : on procéda contre le curé, qui prit la fuite.

L’archevêque d’Aix avait fait un nouveau formulaire sur la bulle, et le parlement d’Aix l’avait condamné à donner dix mille livres aux pauvres ; il fut obligé de faire cette aumône, et il en fut pour son formulaire et pour son argent (septembre). L’évêque de Troyes avait troublé son diocèse, le roi l’envoya prisonnier chez les moines en Alsace. L’archevêque de Paris, à qui l’on avait permis de revenir à Conflans, déclara excommuniés ceux qui liraient les arrêts et les remontrances des parlements sur la bulle et sur les billets de confession.

Louis XV, que tant d’animosités embarrassaient, poussa la circonspection jusqu’à demander l’avis du pape Lambertini, Benoît XIV, homme aussi modéré que lui, aimé de la chrétienté pour la douceur et la gaieté de son caractère, et qui est aujourd’hui regretté de plus en plus. Il ne se mêla jamais d’aucune affaire que pour recommander la paix. C’était son secrétaire des brefs, le cardinal Passionei, qui faisait tout. Ce cardinal, le seul alors dans le sacré collège qui fût homme de lettres, était un génie assez élevé pour mépriser les disputes dont il s’agissait. Il haïssait les jésuites qui avaient fabriqué la bulle ; il ne pouvait se taire sur la fausse démarche qu’on avait faite à Rome de condamner dans cette bulle des maximes vertueuses, d’une vérité éternelle, qui appartiennent à tous les temps et à toutes les nations ;

  1. Il s’agissait cette fois de prolonger le payement des taxes pendant dix ans après la paix, c’est-à-dire pour toujours. (G. A.)
  2. Une première version de cette phrase est citée par Voltaire, qui se la reproche comme contenant des choses trop flatteuses pour le parlement (voyez la lettre à d’Argental, du 6 février 1763). Mais on a lieu de croire qu’avant l’émission du volume Voltaire supprima cette première version trop flatteuse ; je ne l’ai pas trouvée dans l’édition de 1763, où le texte est conforme à ce qu’on lit ici. (B.)