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de terre paraissait inévitable : ce n’était guère le temps de parler d’une bulle[1].

Il lui fallait encore apaiser les contestations du grand conseil et de ses parlements : car presque rien n’étant déterminé en France par des lois précises, les bornes, les privilèges de chaque corps étant incertains, le clergé ayant toujours voulu étendre sa juridiction, les chambres des comptes ayant disputé aux parlements beaucoup de prérogatives, les pairs ayant souvent plaidé pour les leurs contre le parlement de Paris, il n’était pas étonnant que le grand conseil eût avec lui quelques querelles.

Ce grand conseil était originairement le conseil des rois, et les accompagnait dans tous leurs voyages. Tout changea peu à peu dans l’administration publique, et le grand conseil changea aussi. Il ne fut plus qu’une cour de judicature sous Charles VIII. Il décide des évocations, de la compétence des juges, de tous les procès concernant tous les bénéfices du royaume, excepté de la régale ; il a droit de juger ses propres officiers. (Janvier, février, et mars 1756) Un conseiller de cette cour fut appelé au Châtelet pour ses dettes. Le grand conseil revendiqua la cause, et cassa la sentence du Châtelet. Aussitôt le parlement s’émeut, casse l’arrêt du grand conseil, et le roi casse l’arrêt du parlement. Nouvelles remontrances, nouvelles querelles ; tous les parlements s’élèvent contre le grand conseil, et le public se partage. Le parlement de Paris convoque encore les pairs pour cette dispute de corps, et le roi défend encore aux pairs cette association : l’affaire enfin reste indécise comme tant d’autres.

Cependant le roi avait des occupations plus importantes. Il fallait soutenir contre les Anglais, sur terre et sur mer, une guerre onéreuse ; il faisait en même temps cette mémorable fondation de l’École militaire, le plus beau monument de son règne, que l’impératrice Marie-Thérèse a imité depuis. Il fallait des secours de finance, et le parlement se rendait difficile sur l’enregistrement des édits qui ordonnaient la perception des deux vingtièmes. On a été depuis obligé d’en payer trois, parce que, lorsqu’on a la guerre, il faut que les citoyens combattent, ou qu’ils payent ceux qui combattent : il n’y a pas de milieu.

(2 auguste 1756) Le roi tint un lit de justice à Versailles, où il convoqua les princes et les pairs avec le parlement de Paris ; il

  1. Le roi ménageait le parlement pour avoir des fonds. Le jour où Messieurs eurent enregistré la continuation des taxes pour six ans, Louis XV se démasqua aussitôt, et déclara que son grand conseil était la cour suprême. (G. A.)