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avait peu de troupes. Cependant, dès qu’il est arrivé, il gagne la supériorité sur les Espagnols et les Français réunis ; il repousse tous leurs efforts ; il met le Portugal en sécurité.

Dans le même temps une flotte d’Angleterre faisait payer cher aux Espagnols leur déclaration tardive en faveur de la France.

(13 auguste 1762) La Havane, bâtie sur la côte septentrionale de Cuba, la plus grande île de l’Amérique, à l’entrée du golfe du Mexique, est le rendez-vous de ce nouveau monde. Le port, aussi immense que sûr, peut contenir mille vaisseaux. Il est défendu par trois forts dont part un feu croisé qui rend l’abord impossible aux ennemis. Le comte d’Albemarle et l’Amiral Pocock viennent attaquer l’île ; mais ils se gardent bien de tenter les approches du port ; ils descendent sur une plage éloignée, qu’on croyait inabordable. (13 auguste 1762) Ils assiègent par terre le fort le plus considérable, ils le prennent, et forcent la ville, les forts, et toute l’île, à se rendre avec douze vaisseaux de guerre qui étaient dans le port, et vingt-sept navires chargés de trésors. On trouva dans la ville vingt-quatre de nos millions en argent comptant. Tout fut partagé entre les vainqueurs, qui mirent à part la seizième partie du butin pour les pauvres. Les vaisseaux de guerre furent pour le roi ; les vaisseaux marchands, pour l’amiral et pour tous les officiers de la flotte : tout ce butin montait à plus de quatre-vingts millions. On a remarqué que, dans cette guerre et dans la précédente, l’Espagne avait perdu plus qu’elle ne retire de l’Amérique en vingt années.

Les Anglais, non contents de leur avoir pris la Havane dans la mer du Mexique, et l’île de Cuba, coururent leur prendre dans la mer des Indes les îles Philippines, qui sont à peu près les antipodes de Cuba. Ces îles Philippines ne sont guère moins grandes que l’Angleterre, l’Écosse, et l’Irlande, et seraient plus riches si elles étaient bien administrées, une de ces îles ayant des mines d’or, et leurs côtes produisant des perles. Le grand vaisseau d’Acapulco[1], chargé de la valeur de trois millions de piastres, arrivait dans Manille, la capitale. (31 octobre 1762) On prit Manille, les îles, et le vaisseau surtout, malgré les assurances données par un jésuite de la part de sainte Potamienne, patronne de la ville, que Manille ne serait jamais prise. Ainsi la guerre, qui appauvrit les autres nations, enrichissait une partie de la nation anglaise, tandis que l’autre gémissait sous le poids des

  1. Voyez page 316.