tait si distingué à la bataille de Fontenoy, où il avait pris de sa main plusieurs officiers anglais, que le roi le fit colonel sur le champ de bataille. C’était lui qui avait formé le plan, plus audacieux que praticable, de débarquer en Angleterre avec dix mille hommes lorsque le prince Charles-Édouard y disputait la couronne. Sa haine contre les Anglais et son courage le firent choisir de préférence pour aller les combattre sur les côtes de Coromandel. Mais malheureusement il ne joignait pas à sa valeur la prudence, la modération, la patience, nécessaires dans une commission si épineuse. Il s’était figuré qu’Arcate était encore le pays de la richesse, que Pondichéry était bien pourvu de tout, qu’il serait parfaitement secondé de la compagnie et des troupes, et surtout de son ancien régiment irlandais qu’il menait avec lui. Il fut trompé dans toutes ses espérances. Point d’argent dans les caisses, peu de munitions de toute espèce, des noirs et des cipayes pour armée, des particuliers riches et la colonie pauvre ; nulle subordination. Ces objets l’irritèrent et allumèrent en lui cette mauvaise humeur qui sied si mal à un chef, et qui nuit toujours aux affaires. S’il avait ménagé le conseil, s’il avait caressé les principaux, officiers, il aurait pu se procurer des secours d’argent, établir l’union, et mettre en sûreté Pondichéry[1].
La direction de la compagnie des Indes l’avait conjuré, à son départ, « de réformer les abus sans nombre, la prodigalité outrée, et le grand désordre qui absorbaient tous les revenus ». Il se prévalut trop de cette prière, et se fit des ennemis de tous ceux qui devaient lui obéir.
Malgré le triste aspect sous lequel il envisageait tous les objets, il eut d’abord des succès heureux. Il prit aux Anglais le fort Saint-David, à quelques lieues de Pondichéry, et en rasa les murs (28 avril 1758). Si l’on veut bien connaître la source de sa catastrophe, si intéressante pour tout le militaire, il faut lire la lettre qu’il écrivit du camp devant Saint-David à Duval Leyrit, qui était gouverneur de la ville de Pondichéry pour la compagnie.
(18 mai 1758) « Cette lettre, monsieur, sera un secret éternel entre vous et moi, si vous me fournissez les moyens de terminer mon entreprise. Je vous ai laissé cent mille livres de mon argent pour vous aider à subvenir aux frais qu’elle exige. Je n’ai pas trouvé en arrivant la ressource de cent sous dans votre bourse ni dans celle de tout votre conseil. Vous m’avez refusé les uns et les
- ↑ Voltaire reparle avec détail de Lally et des événements de l’Inde dans les Fragments historiques sur l’Inde, articles xiii-xix.