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Thérèse. (29 juillet 1757) Les maréchal d’Estrées, qui les commandait, avait déjà passé le Véser : il suivit pas à pas le duc de Cumberland vers Monden : il l’atteignit vers Hastembeck, lui livra bataille, et remporta une victoire complète. Les princes de Condé et de la Marche-Conti signalèrent, dans cette journée, leurs premières armes, et le sang de France soutenait la gloire de la patrie contre le sang de l’Angleterre. On y perdit un comte de Laval-Montmorency, et un brave officier traducteur de la Tactique d’Ælien[1], frère du même Bussy qui s’est rendu si fameux dans l’Inde. Un coup de fusil, qu’on crut longtemps mortel, perça le comte du Châtelet, de la maison de Lorraine, fils de cette célèbre marquise du Châtelet, dont le nom ne périra jamais parmi ceux qui savent qu’une dame française a commenté le grand Newton.

Remarquons ici que des intrigues de cour avaient déjà ôté le commandement au maréchal d’Estrées. Les ordres étaient partis pour lui faire cet affront tandis qu’il gagnait une bataille. On affectait à la cour de se plaindre qu’il n’eût pas encore pris tout l’électorat de Hanovre, et qu’il n’eût pas marché jusqu’à Magdebourg. On pensait que tout devait se terminer en une campagne. Telle avait été la confiance des Français quand ils firent un empereur, et qu’ils crurent disposer des États de la maison d’Autriche, en 1741. Telle elle avait été, quand, au commencement du siècle, Louis XIV et Philippe V, maîtres de l’Italie et de la Flandre, et secondés de deux électeurs, pensaient donner des lois à l’Europe ; et l’on fut toujours trompé. Le maréchal d’Estrées disait que ce n’était pas assez de s’avancer en Allemagne, qu’il fallait se préparer les moyens d’en sortir. Sa conduite et sa valeur prouvèrent que, lorsqu’on envoie une armée, on doit laisser faire le général : car, si on l’a choisi, on a eu en lui de la confiance.

  1. Bouchard de Bussy, frère de Bussy-Castelnau. Sa traduction d’Élien parut à Paris en 1757, deux volumes petit in-12. (Cl.)