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armes, au détriment des arts et des professions nécessaires, surtout de l’agriculture : on se flatta que de longtemps il n’y aurait aucun agresseur, parce que tous les États étaient armés pour se défendre ; mais on se flatta en vain.


CHAPITRE XXXI.

ÉTAT DE L’EUROPE EN 1756. LISBONNE DÉTRUITE. CONSPIRATIONS ET SUPPLICES EN SUÈDE. GUERRES FUNESTES POUR QUELQUES TERRITOIRES VERS LE CANADA. PRISE DE PORT-MAHON PAR LE MARÉCHAL DE RICHELIEU.


L’Europe entière ne vit guère luire de plus beaux jours que depuis la paix d’Aix-la-Chapelle, en 1748[1], jusque vers l’an 1755. Le commerce florissait de Pétersbourg jusqu’à Cadix ; les beaux-arts étaient partout en honneur ; on voyait entre toutes les nations une correspondance mutuelle ; l’Europe ressemblait à une grande famille réunie après ses différends. Les malheurs nouveaux de l’Europe semblèrent être annoncés par des tremblements de terre qui se firent sentir en plusieurs provinces, mais d’une manière plus terrible à Lisbonne qu’ailleurs. Un grand tiers de cette ville fut renversé sur ses habitants ; il y périt près de trente mille personnes[2] : ce fléau s’étendit en Espagne ; la petite ville de Sétubal fut presque détruite ; d’autres, endommagées ; la mer, s’élevant au-dessus de la chaussée de Cadix, engloutit tout ce qui se trouva sur le chemin ; les secousses de la terre qui ébranlaient l’Europe se firent sentir de même en Afrique, et le même jour que les habitants de Lisbonne périssaient, la terre s’ouvrit auprès de Maroc ; une peuplade entière d’Arabes fut ensevelie dans des abîmes ; les villes de Fez et de Méquinez furent encore plus maltraitées que Lisbonne.

  1. Le 18 octobre ; voyez page 333.
  2. Les auteurs de l’Art de vérifier les dates réduisent à plus de quinze mille le nombre des personnes qui périrent à Lisbonne, et qu’on avait d’abord porté à cent mille ; voyez la lettre de Voltaire à M. Bertrand, du 30 novembre 1753 : cet événement a fourni à Voltaire le sujet du Poëme sur le Désastre de Lisbonne. (B.) — Voyez tome IX, page 405.