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alliés ; il assurait, par cette paix, le royaume des Deux-Siciles à don Carlos, prince de son sang ; il établit dans Parme, Plaisance et Guastalla, don Philippe son gendre ; le duc de Modène son allié, et gendre du duc d’Orléans régent, fut remis en possession de son pays, qu’il avait perdu pour avoir pris les intérêts de la France. Gênes rentra dans tous ses droits. Il parut plus beau, et même plus utile à la cour de France de ne penser qu’au bonheur de ses alliés que de se faire donner deux ou trois villes de Flandre, qui auraient été un éternel objet de jalousie.

L’Angleterre, qui n’avait eu d’autre intérêt particulier dans cette guerre universelle que celui d’un vaisseau[1], y perdit beaucoup de trésors et de sang ; et la querelle de ce vaisseau resta dans le même état où elle était auparavant[2]. Le roi de Prusse fut celui qui retira les plus grands avantages : il conserva la conquête de la Silésie dans un temps où toutes les puissances avaient pour maxime de ne souffrir l’agrandissement d’aucun prince. Le duc de Savoie, roi de Sardaigne, fut, après le roi de Prusse, celui qui gagna le plus, la reine de Hongrie ayant payé son alliance d’une partie du Milanais.

Après cette paix, la France se rétablit faiblement[3]. Alors l’Europe chrétienne se trouva partagée entre deux grands partis qui se ménageaient l’un l’autre, et qui soutenaient chacun de leur côté cette balance, le prétexte de tant de guerres, laquelle devrait assurer une éternelle paix. Les États de l’impératrice-reine de Hongrie, et une partie de l’Allemagne, la Russie, l’Angleterre, la Hollande, la Sardaigne, composaient une de ces grandes factions. L’autre était formée par la France, l’Espagne, les Deux-Siciles, la Prusse, la Suède. Toutes les puissances restèrent armées ; et on espéra un repos durable, par la crainte même que les deux moitiés de l’Europe semblaient inspirer l’une à l’autre.

Louis XIV avait le premier entretenu ces nombreuses armées qui forcèrent les autres princes à faire les mêmes efforts, de sorte qu’après la paix d’Aix-la-Chapelle, en 1748, les puissances chrétiennes de l’Europe eurent environ un million d’hommes sous les

  1. Voyez ci-devant, chapitre viii.
  2. L’article 16 du traité laissait, en effet, l’affaire de l’Assiento et du vaisseau de permission sur le pied où elle se trouvait au début de la guerre, sans décider sur les difficultés qui s’étaient élevées entre l’Espagne et l’Angleterre à ce sujet. L’Angleterre et l’Espagne en traitèrent séparément le 5 octobre 1750. (G. A.)
  3. Les éditions de 1768, 1769, in-4o, et 1775, portent : « Après cette paix, la France se rétablit comme après la paix d’Utrecht, et fut encore plus florissante. Alors, etc. » (B.)