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CHAPITRE XXIX.

DE L’INDE, DE MADRAS, DE PONDICHÉRY. EXPÉDITION DE LA BOURDONNAIE. CONDUITE DE DUPLEIX, ETC.


Pendant que les Anglais portaient leurs armes victorieuses sur tant de mers, et que tout le globe était le théâtre de la guerre, ils en ressentirent enfin les effets dans leur colonie de Madras. Un homme à la fois négociant et guerrier, nommé Mahé de La Bourdonnaie, vengea l’honneur du pavillon français au fond de l’Asie.

Pour rendre cet événement plus sensible, il est nécessaire de donner quelque idée de l’Inde, du commerce des Européans dans cette vaste et riche contrée[1], et de la rivalité qui régna entre eux, rivalité souvent soutenue par les armes.

Les nations européanes ont inondé l’Inde. On a su y faire de grands établissements, on y a porté la guerre, plusieurs y ont fait des fortunes immenses, peu se sont appliqués à connaître les antiquités de ce pays, plus renommé autrefois pour sa religion, ses sciences et ses lois, que pour ses richesses, qui ont fait de nos jours l’unique objet de nos voyages.

Un Anglais[2], qui a demeuré trente ans dans le Bengale, et qui sait les langues modernes et anciennes des brames, détruit tout ce vain amas d’erreurs dont sont remplies nos histoires des Indes, et confirme ce que le petit nombre d’hommes instruits en a pensé[3]. Ce pays est, sans contredit, le plus anciennement policé qui soit dans le monde ; les savants chinois même lui accordent cette supériorité. Les plus anciens monuments que l’empereur Kang-hi avait recueillis dans son cabinet de curiosités étaient tous indiens. Le docte et infatigable Anglais[4] qui a copié, en 1754, leur pre-

  1. Voyez ci-dessus, page 163 ; et le chapitre ier des Fragments historiques sur l’Inde.
  2. M. Holvell. (Note de Voltaire.) — Jean-Sophonie Holvell, né à Dublin en 1711, est mort le 5 novembre 1798. (B.)
  3. « J’ai étudié, dit-il, tout ce qui a été écrit sur les Indiens depuis Arrien jusqu’à l’abbé Guyon même, et je n’ai trouvé qu’erreur et mensonge. » (Page 5 de la Préface.) (Note de Voltaire.)
  4. Alexandre Don, mort dans l’Inde à la fin de 1779. Voltaire cite souvent Holvell et Don, notamment dans la IXe de ses Lettres chinoises, indiennes et tartares.