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rêté, garrotté, mis en prison, conduit hors de France ; ce fut là le dernier coup dont la destinée accabla une génération de rois pendant trois cents années.

Charles-Édouard, depuis ce temps, se cacha au reste de la terre. Que les hommes privés, qui se plaignent de leurs petites infortunes, jettent les yeux sur ce prince et sur ses ancêtres[1] !


CHAPITRE XXVI.

LE ROI DE FRANCE, N’AYANT PU PARVENIR À LA PAIX QU’IL PROPOSE, GAGNE LA BATAILLE DE LAUFELT. ON PREND D’ASSAUT BERG-OP-ZOOM. LES RUSSES MARCHENT ENFIN AU SECOURS DES ALLIÉS.


Lorsque cette fatale scène tendait à sa catastrophe en Angleterre, Louis XV achevait ses conquêtes. Malheureux alors partout où il n’était pas, victorieux partout où il était avec le maréchal de Saxe, il proposait toujours une pacification nécessaire à tous les partis qui n’avaient plus de prétexte pour se détruire. L’intérêt du nouveau stathouder ne paraissait pas de continuer la

    çait que le prétendant avait été arrêté en sortant de l’Opéra par M. de Vaudreuil, sur l’ordre du roi, et d’après la demande des Anglais, qui avaient mis dans les conditions de la paix que ce prince devrait sortir de France. Le malheureux Stuart n’ayant point voulu renoncer à ses droits, ni quitter l’asile qui lui avait été accordé par le roi de France, le ministère avait été chargé de le faire arrêter et conduire hors des limites du royaume. C’est ainsi qu’il s’en vit expulser, malgré toutes les promesses qui lui avaient été faites. Stanislas ayant fait part de cette nouvelle aux personnes qui étaient près de lui : Ô ciel, s’écria aussitôt M. de Voltaire, est-il possible que le roi souffre cet affront, et que sa gloire subisse une tache que toute l’eau de la Seine ne saurait laver ! La compagnie entière parut affectée d’une profonde douleur. M. de Voltaire, en rentrant chez lui, jeta de dépit ses cahiers dans un coin, renonçant à continuer cette histoire. Je l’ai vu rarement affecté d’une impression aussi forte qu’en ce moment. Il oublia ce travail pendant plusieurs années, et ne le reprit qu’à Berlin, à la demande du roi de Prusse ; et ce fut plus tard encore, quand il se fut établi à Ferney, qu’il en fit entrer une partie dans le Précis du Siècle de Louis XV. »

  1. Toutes ces particularités furent écrites en 1748, sous la dictée d’un homme qui avait accompagné longtemps le prince Édouard dans ses prospérités et dans ses infortunes. L’histoire de ce prince entrait dans les Mémoires de la guerre de 1741. Elle a échappé entièrement aux recherches de ceux qui ont volé, défiguré, et vendu une partie du manuscrit. (Note de Voltaire.) — Cette note est de 1763. (B.)