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sistait par elle-même et par les secours de l’Angleterre ; et le duc de Rohan, coupable du crime de lèse-majesté, traita de la paix avec son roi, presque de couronne à couronne.

Après cette paix et après la mort du connétable de Luines, il fallut encore recommencer la guerre et assiéger de nouveau la Rochelle, toujours liguée contre son souverain avec l’Angleterre et avec les calvinistes du royaume. Une femme[1] (c’était la mère du duc de Rohan) défendit cette ville[2] pendant un an contre l’armée royale, contre l’activité du cardinal de Richelieu, et contre l’intrépidité de Louis XIII, qui affronta plus d’une fois la mort à ce siège. La ville souffrit toutes les extrémités de la faim, et on ne dut la reddition de la place qu’à cette digue de cinq cents pieds de long[3] que le cardinal de Richelieu fit construire, à l’exemple de celle qu’Alexandre fit autrefois élever devant Tyr. Elle dompta la mer et les Rochellois. Le maire Guiton, qui voulait s’ensevelir sous les ruines de la Rochelle, eut l’audace, après s’être rendu à discrétion, de paraître avec ses gardes devant le cardinal de Richelieu. Les maires des principales villes des huguenots en avaient. On ôta les siens à Guiton, et les privilèges à la ville[4]. Le duc de Rohan, chef des hérétiques rebelles, continuait toujours la guerre pour son parti ; et, abandonné des Anglais, quoique protestants, il se liguait avec les Espagnols, quoique catholiques. Mais la conduite ferme du cardinal de Richelieu força les huguenots, battus de tous côtés, à se soumettre.

Tous les édits qu’on leur avait accordés jusqu’alors avaient été des traités avec les rois. Richelieu voulut que celui qu’il fit rendre fût appelé l’édit de grâce[5]. Le roi y parla en souverain qui pardonne. On ôta l’exercice de la nouvelle religion à la Rochelle, à l’île de Ré, à Oléron, à Privas, à Pamiers ; du reste, on laissa subsister l’édit de Nantes, que les calvinistes regardèrent toujours comme leur loi fondamentale.

Il paraît étrange que le cardinal de Richelieu, si absolu et si

  1. Catherine Larchevêque de Parthenay, née en 1554, morte en 1631, avait épousé en premières noces Charles de Quellenec, baron de Pont, auquel elle intenta ce scandaleux procès dont parle Voltaire (voyez page 81, tome VIII, une note du chant deuxième de la Henriade), et qui épousa en secondes noces René de Rohan. Sur le siège de la Rochelle, voyez tome XIII, page 6.
  2. Ou plutôt : prit part à la défense.
  3. Voltaire, dans l’Essai sur les Mœurs, chapitre clxxvi, donne à cette digue quatre mille sept cents pieds de long.
  4. Voyez encore, sur la prise de la Rochelle, le chapitre clxxvi de l’Essai sur les Mœurs.
  5. En 1629.