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déclarer tous. » Et sans perdre de temps il marche à la capitale (19 septembre), il arrive ; il s’empare de la porte. L’alarme est dans la ville : les uns veulent reconnaître l’héritier de leurs anciens rois, les autres tiennent pour le gouvernement. On craint le pillage ; les citoyens les plus riches transportent leurs effets dans le château ; le gouverneur Guest s’y retire avec quatre cents soldats de garnison. Les magistrats se rendent à la porte dont Charles-Édouard était maître. Le prévôt d’Édimbourg, nommé Stuart, qu’on soupçonna d’être d’intelligence avec lui, paraît en sa présence, et demande d’un air éperdu ce qu’il faut faire. « Tomber à ses genoux, lui répondit un habitant, et le reconnaître. » Il fut aussitôt proclamé dans la capitale[1].

Cependant on mettait dans Londres sa tête à prix. Les seigneurs de la régence, pendant l’absence du roi George firent proclamer qu’on donnerait trente mille livres sterling à celui qui le livrerait. Cette proscription était une suite de l’acte du parlement fait la dix-septième année du règne du roi, et d’autres actes du même parlement. La reine Anne elle-même avait été forcée de proscrire son propre frère, à qui, dans les derniers temps, elle aurait voulu laisser sa couronne si elle n’avait consulté que ses sentiments. Elle avait mis sa tête à quatre mille livres, et le parlement la mit à quatre-vingt mille.

Si une telle proscription est une maxime d’État, c’en est une bien difficile à concilier avec ces principes de modération que toutes les cours font gloire d’étaler. Le prince Charles-Édouard pouvait faire une proclamation pareille ; mais il crut fortifier sa cause, et la rendre plus respectable, en opposant, quelques mois après, à ces proclamations sanguinaires, des manifestes dans lesquels il défendait à ses adhérents d’attenter à la personne du roi régnant et d’aucun prince de la maison d’Hanovre.

D’ailleurs il ne songea qu’à profiter de cette première ardeur de sa faction qu’il ne fallait pas laisser ralentir. À peine était-il maître de la ville d’Édimbourg qu’il apprit qu’il pouvait donner une bataille, et il se hâta de la donner. Il sut que le général Cope s’avançait contre lui avec des troupes réglées, qu’on assemblait les milices, qu’on formait des régiments en Angleterre, qu’on en faisait revenir de Flandre, qu’enfin il n’y avait pas un moment à perdre. Il sort d’Édimbourg sans y laisser un seul soldat, et mar-

  1. On envoya deux ambassades vers Charles-Édouard, mais avant qu’il se fût rendu maître de la porte de Netherbow. Le prétendant ne voulut pas recevoir la seconde. Quant à la scène du lord-prévost que Voltaire raconte, rien de moins exact. (G. A.)