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général Gages, à la tête de la cavalerie espagnole, attaque la cavalerie piémontaise, la disperse, et la poursuit jusque sous le canon de Valence. Le roi de Sardaigne est obligé de reculer jusqu’à Casal, dans le Piémont. On se rendit maître alors de tout le cours du Pô. C’était dans le temps même que le roi de France conquérait la Flandre ; que le roi de Prusse, son allié, fortifiait sa cause par de nouveaux succès : tout était favorable alors dans tant de différentes scènes du théâtre de la guerre. Les Français, avec les Espagnols, se trouvaient en Italie, sur la fin de l’an 1745, maîtres du Montferrat, de l’Alexandrin, du Tortonois, du pays derrière Gênes, qu’on nomme les fiefs impériaux de la Loméline, du Pavesan, du Lodesan, de Milan, de presque tout le Milanais, de Parme et de Plaisance. Tous ces succès s’étaient suivis rapidement, comme ceux du roi de France dans les Pays-Bas, et du prince Édouard dans l’Écosse, tandis que le roi de Prusse, de son côté, battait, au fond de l’Allemagne, les troupes autrichiennes ; mais il arriva en Italie précisément la même chose qu’on avait vue en Bohême, au commencement de cette guerre. Les apparences les plus heureuses couvraient les plus grandes calamités.

Le sort du roi de Prusse était, en faisant la guerre, de nuire beaucoup à la maison d’Autriche, et, en faisant la paix, de nuire tout autant à la maison de France. Sa paix de Breslau avait fait perdre la Bohême. Sa paix de Dresde fit perdre l’Italie.

À peine l’impératrice-reine fut-elle délivrée pour la seconde fois de cet ennemi qu’elle fit passer de nouvelles troupes en Italie par le Tyrol et le Trentin, pendant l’hiver de 1746. L’infant don Philippe possédait Milan ; mais il n’avait pas le château. Sa mère, la reine d’Espagne, lui ordonnait absolument de l’attaquer. Le maréchal de Maillebois écrivit, au mois de décembre 1745 : « Je prédis une destruction totale, si on s’obstine à rester dans le Milanais. » Le conseil d’Espagne s’y obstina, et tout fut perdu[1].

  1. Voltaire passe sous silence le plan de d’Argenson, les préliminaires secrets signés à Turin, l’accueil fait à ces préliminaires par la cour de Madrid, etc. Le ministre d’Argenson rêvait d’organiser une confédération en Italie, de chasser l’Autriche de ce pays, et d’italianiser les princes étrangers établis en Italie. Le roi de Sardaigne entra dans les vues du ministre quand on lui eut prouvé que Louis XV avait écrit de sa propre main la division nouvelle de l’Italie. Charles-Emmanuel devait avoir le Milanais. On signa des préliminaires secrets en décembre 1745 ; on les expédia à Madrid, où ils furent accueillis par une explosion de cris et d’injures. Toutefois, le 3 mars, la reine d’Espagne lâchait son consentement ; mais il était trop tard pour la réalisation du projet français. Marie-Thérèse, délivrée de la Prusse, avait envoyé trente mille hommes en Italie, et Charles-Emmanuel, revenant à l’Autriche, reprenait la partie. (G. A.)