Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’emporter. Ingolsby marche avec les meilleures troupes pour exécuter cet ordre : il trouve dans le bois de Barri un bataillon du régiment d’un partisan : c’était ce qu’on appelait les Grassins, du nom de celui qui les avait formés. Ces soldats étaient en avant dans le bois, par delà la redoute, couchés par terre. Ingolsby crut que c’était un corps considérable : il retourne auprès du duc de Cumberland, et demande du canon. Le temps se perdait. Le prince était au désespoir d’une désobéissance qui dérangeait toutes ses mesures, et qu’il fit ensuite punir à Londres par un conseil de guerre qu’on appelle cour martiale.

Il se détermina sur-le-champ à passer entre cette redoute et Fontenoy. Le terrain était escarpé, il fallait franchir un ravin profond ; il fallait essuyer tout le feu de Fontenoy et de la redoute. L’entreprise était audacieuse ; mais il était réduit alors ou à ne point combattre, ou à tenter ce passage.

Les Anglais et les Hanovriens s’avancent avec lui sans presque déranger leurs rangs, traînant leurs canons à bras par les sentiers : il les forme sur trois lignes assez pressées, et de quatre de hauteur chacune, avançant entre les batteries de canon qui les foudroyaient dans un terrain d’environ quatre cents toises de large. Des rangs entiers tombaient morts à droite et à gauche ; ils étaient remplacés aussitôt, et les canons qu’ils amenaient à bras vis-à-vis Fontenoy et devant les redoutes répondaient à l’artillerie française. En cet état ils marchaient fièrement, précédés de six pièces d’artillerie, et en ayant encore six autres au milieu de leurs lignes.

Vis-à-vis d’eux se trouvèrent quatre bataillons des gardes françaises, ayant deux bataillons de gardes suisses à leur gauche, le régiment de Courten à leur droite, ensuite celui d’Aubeterre, et plus loin le régiment du roi qui bordait Fontenoy le long d’un chemin creux.

Le terrain s’élevait à l’endroit où étaient les gardes françaises jusqu’à celui où les Anglais se formaient.

Les officiers des gardes françaises se dirent alors les uns aux autres : « Il faut aller prendre le canon des Anglais. » Ils y montèrent rapidement avec leurs grenadiers, mais ils furent bien étonnés de trouver une armée devant eux. L’artillerie et la mousqueterie en couchèrent par terre près de soixante, et le reste fut obligé de revenir dans ses rangs.

Cependant les Anglais avançaient, et cette ligne d’infanterie, composée des gardes françaises et suisses, et de Courten, ayant encore sur leur droite Aubeterre et un bataillon du régiment du