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l’infant et au prince de Conti. Il furent obligés de lever le siège et de repasser les monts avec une armée affaiblie. C’est presque toujours le sort de ceux qui combattent vers les Alpes, et qui n’ont pas pour eux le maître du Piémont, de perdre leur armée, même par des victoires.

Le roi de France, dans cette saison pluvieuse, était devant Fribourg. On fut obligé de détourner la rivière de Treisam, et de lui ouvrir un canal de deux mille six cents toises ; mais à peine ce travail fut-il achevé, qu’une digue se rompit, et on recommença. On travaillait sous le feu des châteaux de Fribourg ; il fallait saigner à la fois deux bras de la rivière : les ponts construits sur le canal nouveau furent dérangés par les eaux, on les rétablit dans une nuit, et, le lendemain, on marcha au chemin couvert sur un terrain miné, et vis-à-vis d’une artillerie et d’une mousqueterie continuelles. Cinq cents grenadiers furent couchés par terre, tués ou blessés ; deux compagnies entières périrent par l’effet des mines du chemin couvert, et, le lendemain, on acheva d’en chasser les ennemis, malgré les bombes, les pierriers, et les grenades, dont ils lésaient un usage continuel et terrible. Il y avait seize ingénieurs à ces deux attaques, et tous les seize y furent blessés. Une pierre atteignit le prince de Soubise, et lui cassa le bras. Dès que le roi le sut, il alla le voir : il y retourna plusieurs fois ; il voyait mettre l’appareil à ses blessures. Cette sensibilité encourageait toutes ses troupes. Les soldats redoublaient d’ardeur en suivant le duc de Chartres, aujourd’hui duc d’Orléans[1], premier prince du sang, à la tranchée et aux attaques.

Le général Damnitz, gouverneur de Fribourg, n’arbora le drapeau blanc que le 6 novembre, après deux mois de tranchée ouverte. Le siège des châteaux ne dura que sept jours. Le roi était maître du Brisgaw. Il dominait dans la Souabe. Le prince de Clermont, de son côté, s’était avancé jusqu’à Constance. L’empereur était retourné enfin dans Munich.

Les affaires prenaient en Italie un tour favorable, quoique avec lenteur. Le roi de Naples poursuivait les Autrichiens, conduits par le prince de Lobkovitz[2] sur le territoire de Rome. On devait tout attendre en Bohême de la diversion du roi de Prusse ; mais, par un de ces revers si fréquents dans cette guerre, le prince Charles de Lorraine chassait alors les Prussiens de la Bohême, comme il en avait fait retirer les Français, en 1742 et

  1. C’est celui dont il a déjà été question page 217.
  2. Georges-Chrétien, prince de Lobkovitz, né en 1702, mort à Vienne en 1753.