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tèrent l’épouvante jusqu’à Lunéville, dont le roi Stanislas Leczinski fut obligé de partir avec sa cour,

À la nouvelle de ces revers que le roi apprit à Dunkerque, il ne balança pas sur le parti qu’il devait prendre : il se résolut à interrompre le cours de ses conquêtes en Flandre, à laisser le maréchal de Saxe, avec environ quarante mille hommes, conserver ce qu’il avait pris, et à courir lui-même au secours de l’Alsace.

Il fait d’abord prendre les devants au maréchal de Noailies. Il envoie le duc d’Harcourt avec quelques troupes garder les gorges de Phalzbourg. Il se prépare à marcher à la tête de vingt-six bataillons et trente-trois escadrons. Ce parti, que prenait le roi dès sa première campagne, transporta les cœurs des Français, et rassura les provinces alarmées par le passage du Rhin, et surtout par les malheureuses campagnes précédentes en Allemagne.

Le roi prit sa route par Saint-Quentin, La Fère, Laon, Reims, faisant marcher ses troupes, dont il assigna le rendez-vous à Metz. Il augmenta, pendant cette marche, la paye et la nourriture du soldat, et cette attention redoubla encore l’affection de ses sujets. Il arriva dans Metz le 5[1] auguste, et le 7 on apprit un événement qui changeait toute la face des affaires, qui forçait le prince Charles à sortir de l’Alsace, qui rétablissait l’empereur, et mettait la reine de Hongrie dans le plus grand danger où elle eût été encore.

Il semblait que cette princesse n’eût alors rien à craindre du roi de Prusse après la paix de Breslau, et surtout après une alliance défensive conclue la même année que la paix de Breslau entre lui et le roi d’Angleterre ; mais il était visible que la reine de Hongrie, l’Angleterre, la Sardaigne, la Saxe, et la Hollande, s’étant unies contre l’empereur par un traité fait à Vorms, les puissances du Nord, et surtout la Russie, étant vivement sollicitées, les progrès de la reine de Hongrie augmentant en Allemagne, tout était à craindre tôt ou tard pour le roi de Prusse ; il avait enfin pris le parti de rentrer dans ses engagements avec la France (27 mai 1744). Le traité avait été signé secrètement le 5 avril, et on avait fait depuis à Francfort une alliance étroite entre le roi de France, l’empereur, le roi de Prusse, l’électeur palatin, et le roi de Suède en qualité de landgrave de Hesse. Ainsi l’union de Francfort était un contre-poids aux projets de l’union de Vorms. Une moitié de l’Europe était ainsi animée contre

  1. Le Journal du règne de Louis XV, le Mercure, et l’Art de vérifier les dates, disent le 4.