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vit, six semaines après, le comte Stair à la Haye ; il prit la liberté de lui demander ce qu’il pensait de cette bataille. Ce général lui répondit : « Je pense que les Français ont fait une grande faute, et nous, deux : la vôtre a été de ne savoir pas attendre ; les deux nôtres ont été de nous mettre d’abord dans un danger évident d’être perdus, et ensuite de n’avoir pas su profiter de la victoire. »

Après cette action, beaucoup d’officiers français et anglais allèrent à Francfort, ville toujours neutre, où l’empereur vit l’un après l’autre le comte Stair et le maréchal de Noailles, sans pouvoir leur marquer d’autres sentiments que ceux de la patience dans son infortune.

Le maréchal de Noailles trouva l’empereur accablé de chagrin, sans États, sans espérance, n’ayant pas de quoi faire subsister sa famille dans cette ville impériale où personne ne voulait faire la moindre avance au chef de l’empire ; il lui donna une lettre de crédit de quarante mille écus, certain de n’être pas désavoué par le roi son maître. Voilà où en était réduite la majesté de l’empire romain.


CHAPITRE XI.

PREMIÈRE CAMPAGNE DE LOUIS XV EN FLANDRE ; SES SUCCÈS. IL QUITTE LA FLANDRE POUR ALLER AU SECOURS DE L’ALSACE MENACÉE, PENDANT QUE LE PRINCE DE CONTI CONTINUE À S’OUVRIR LE PASSAGE DES ALPES. NOUVELLES LIGUES. LE ROI DE PRUSSE PREND ENCORE LES ARMES.


Ce fut dans ces circonstances dangereuses, dans ce choc de tant d’États, dans ce mélange et ce chaos de guerre et de politique, que Louis XV commença sa première campagne (1744). On gardait à peine les frontières du côté de l’Allemagne. La reine de Hongrie s’était fait prêter serment de fidélité par les habitants de la Bavière et du haut Palatinat. Elle fit présenter dans Francfort même, où Charles VII était retiré, un Mémoire où l’élection de cet empereur était qualifiée nulle de toute nullité. Il était obligé enfin de se déclarer neutre tandis qu’on le dépouillait. On lui proposait de se démettre, et de résigner l’empire à François de Lorraine, grand-duc de Toscane, époux de Marie-Thérèse.

Le prince Charles de Lorraine, frère du grand-duc, commen-