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serment du roi André II, fait l’an 1222 : « Si moi ou quelques-uns de mes successeurs, en quelque temps que ce soit, veut enfreindre vos privilèges, qu’il vous soit permis, en vertu de cette promesse, à vous et à vos descendants, de vous défendre, sans pouvoir être traités de rebelles. »

Plus les aïeux de l’archiduchesse-reine avaient montré d’éloignement pour l’exécution de tels engagements, plus aussi la démarche prudente dont je viens de parler rendit cette princesse extrêmement chère aux Hongrois. Ce peuple, qui avait toujours voulu secouer le joug de la maison d’Autriche, embrassa celui de Marie-Thérèse ; et après deux cents ans de séditions, de haines et de guerres civiles, il passa tout d’un coup à l’adoration. La reine ne fut couronnée à Presbourg que quelques mois après, le 24 juin 1741. Elle n’en fut pas moins souveraine ; elle l’était déjà de tous les cœurs par une affabilité populaire que ses ancêtres avaient rarement exercée ; elle bannit cette étiquette et cette morgue qui peuvent rendre le trône odieux sans le rendre plus respectable. L’archiduchesse sa tante, gouvernante des Pays-Bas, n’avait jamais mangé avec personne. Marie-Thérèse admettait à sa table toutes les dames et tous les officiers de distinction : les députés des états lui parlaient librement ; jamais elle ne refusa d’audience, et jamais on n’en sortit mécontent d’elle.

Son premier soin fut d’assurer au grand-duc de Toscane, son époux, le partage de toutes ses couronnes, sous le nom de co-régent, sans perdre en rien sa souveraineté et sans enfreindre la pragmatique sanction ; elle se flattait, dans ces premiers moments, que les dignités dont elle ornait ce prince lui préparaient la couronne impériale ; mais cette princesse n’avait point d’argent, et ses troupes, très-diminuées, étaient dispersées dans ses vastes États.

Le roi de Prusse lui fit proposer alors qu’elle lui cédât la basse Silésie, et lui offrit son crédit, ses secours, ses armes, avec cinq millions de nos livres, pour lui garantir tout le reste, et donner l’empire à son époux. Des ministres habiles prévirent que, si la reine de Hongrie refusait de telles offres, l’Allemagne serait bientôt bouleversée ; mais le sang de tant d’empereurs, qui coulait dans les veines de cette princesse, ne lui laissa pas seulement l’idée de démembrer son patrimoine ; elle était impuissante et intrépide. Le roi de Prusse voyant qu’en effet cette puissance n’était alors qu’un grand nom, et que l’état où était l’Europe lui donnerait infailliblement des alliés, marcha en Silésie au milieu du mois de décembre 1740.

On voulut mettre sur ses drapeaux cette devise : Pro Deo et