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ginairement le royaume de Lombardie annexé à l’empire, devenu ensuite un fief sous les Viscontis et sous les Sforces, et aujourd’hui c’est un État appartenant à l’empereur ; État démembré à la vérité, mais qui, avec la Toscane et Mantoue, rend la maison impériale très-puissante en Italie.

Par ce traité, le roi Stanislas renonçait au royaume qu’il avait eu deux fois, et qu’on n’avait pu lui conserver ; il gardait le titre de roi ; il lui fallait un autre dédommagement, et ce dédommagement fut pour la France encore plus que pour lui. Le cardinal de Fleury se contenta d’abord du Barrois, que le duc de Lorraine devait donner au roi Stanislas, avec la réversion à la couronne de France ; et la Lorraine ne devait être cédée que lorsque son duc serait en pleine possession de la Toscane. C’était faire dépendre cette cession de la Lorraine de beaucoup de hasards. C’était peu profiter des plus grands succès et des conjonctures les plus favorables. Le garde des sceaux Chauvelin encouragea le cardinal de Fleury à se servir de ses avantages : il demanda la Lorraine aux mêmes conditions que le Barrois, et il l’obtint[1].

Il n’en coûta que quelque argent comptant, et une pension de trois millions cinq cent mille livres faite au duc François jusqu’à ce que la Toscane lui fût échue.

Ainsi la Lorraine fut réunie à la couronne irrévocablement : réunion tant de fois inutilement tentée. Par là un roi polonais fut transplanté en Lorraine : cette province eut pour la dernière fois un souverain résidant chez elle, et il la rendit heureuse. La maison régnante des princes lorrains devint souveraine de la Toscane. Le second fils du roi d’Espagne fut transféré à Naples. On aurait pu renouveler la médaille de Trajan : regna assignata, les trônes donnés.

Tout resta paisible entre les princes chrétiens, si on en excepte

  1. Quoique l’Angleterre ne fût pas intervenue dans le traité, cependant le cardinal de Fleury avait réglé avec l’ambassadeur d’Angleterre tous les points de la négociation ; et ce fut par faiblesse qu’il consentit à demander la Lorraine sans en instruire le ministre anglais. Cette conduite diminua la confiance qu’on avait en lui ; l’Angleterre et la Hollande regardaient cette cession éventuelle de la Lorraine comme un gage du consentement que la France donnerait aux dispositions de Charles VI et à l’élection de son gendre à l’empire. L’accomplissement de la cession de la Lorraine aurait été le prix de la modération de la France. Le cardinal l’avait senti ; il voyait, par cette disposition, la paix plus assurée contre les intrigues des ambitieux qui voudraient allumer la guerre, et il ne pardonna point au garde des sceaux Chauvelin d’avoir abusé de sa faiblesse. (K.) — Toutes ces réflexions des éditeurs de Kehl ne sont pas justes. Il faut faire comme Voltaire : applaudir à la conduite de Chauvelin, qui s’indigna de voir Fleury tout à la dévotion des Anglais. (G. A.)