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n’envisageait alors pour la France que la propre gloire de son ministère, fondée sur un succès vraisemblable. Il entrevoyait seulement qu’à la faveur de ce succès il pourrait tirer quelques avantages solides à la paix prochaine. Car c’est l’usage de toutes les puissances chrétiennes, depuis plus de deux cents ans, de se faire des guerres passagères qui les ruinent pour obtenir ensuite quelque dédommagement par un traité que quelques subalternes arrangent au hasard.

Personne ne prévoyait alors que la Lorraine dût être le fruit de cette guerre : on est presque toujours mené par les événements, et rarement on les dirige. Jamais négociation ne fut plus promptement terminée que celle qui unissait ces trois monarques.

L’Angleterre et la Hollande, accoutumées depuis longtemps à se déclarer pour l’Autriche contre la France, l’abandonnèrent en cette occasion. Ce fut le fruit de cette réputation d’équité et de modération que la cour de France avait acquise. L’idée de ses vues pacifiques et dépouillées d’ambition enchaînait encore ses ennemis naturels, lors même qu’elle faisait la guerre ; et rien ne fit plus d’honneur au ministère que d’être parvenu à faire comprendre à ces puissances que la France pouvait faire la guerre à l’empereur sans alarmer la liberté de l’Europe. Tous les potentats regardèrent donc tranquillement ses succès rapides. Une armée de Français fut maîtresse de la campagne sur le Rhin, et les troupes de France, d’Espagne, et de Savoie, jointes ensemble, furent les maîtresses de l’Italie. (1734) Le maréchal de Villars, déclaré généralissime des armées française, espagnole, et piémontaise, finit sa glorieuse carrière à quatre-vingt-deux ans, après avoir pris Milan. Le maréchal de Coigny, son successeur, gagna deux batailles[1], tandis que le duc de Montemar, général des Espagnols, remporta une victoire dans le royaume de Naples, à Bitonto, dont il eut le surnom. C’est une récompense que la cour d’Espagne donne souvent, à l’exemple des anciens Romains. Don Carlos, qui avait été reconnu prince héréditaire de Toscane, fut bientôt roi de Naples et de Sicile. Ainsi l’empereur Charles VI perdit presque toute l’Italie pour avoir donné un roi à la Pologne, et un fils du roi d’Espagne eut en deux campagnes ces deux Siciles, prises et reprises tant de fois auparavant, et l’objet conti-

    déjà cité, on lisait : « Le roi de France n’envisageait aucun avantage pour lui que sa propre gloire, l’abaissement de ses ennemis, et le succès de ses alliés.

    « Personne ne prévoyait, etc. »(B.)

  1. Celle de Parme, le 29 juin ; celle de Guastalla, le 19 septembre 1734.