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DOCUMENT
RELATIF
AU VOL DU MANUSCRIT DES CAMPAGNES DE LOUIS XV
OU
HISTOIRE DE LA GUERRE DE 1741[1].

L’INSPECTEUR D’HÉMERY À M. BERRYER, LIEUTENANT DE POLICE.


Monsieur,

J’ai l’honneur de vous rendre compte que Le Prieur a acheté le manuscrit des campagnes de Louis XV, du sieur Richer, auteur de l’Abrégé chronologique des empereurs, et frère de Richer l’avocat, qui vient de donner un traité sur la mort civile.

Il a présenté ce manuscrit à ce Prieur comme appartenant à un M. de Venozan, officier dans le régiment de Picardie. Le Prieur l’a acheté comme tel, et Richer, pour l’en convaincre, lui a produit une quittance d’une écriture toute contrefaite, signée dudit sieur de Venozan, que Le Prieur n’a cependant pas voulu accepter qu’après avoir été endossée par ledit sieur Richer.

Cette conduite a paru suspecte à Le Prieur, avec d’autant plus de raison que Richer avait échappé, dans la conversation, le nom du chevalier de La Morlière ; mais comme Le Prieur achetait d’un homme qu’il connaissait, et qu’il avait envie de l’ouvrage, il n’a pas cherché à approfondir ce qui en était.

J’ai engagé Le Prieur (qui m’a dit les choses de la meilleure grâce du monde, sous la promesse que je lui ai faite qu’il ne serait point compromis) à me confier ce billet, et j’ai reconnu que l’écriture, quoique contrefaite, du prétendu Venozan, est précisément celle du chevalier de La Morlière, ainsi qu’il est aisé de s’en convaincre en la vérifiant avec son écriture que je joins ici avec ce billet. Il n’est donc pas douteux, monsieur, que ce manuscrit ne vienne du chevalier de La Morlière, et par conséquent de la part de Voltaire,

  1. Ce document faisait partie des papiers de la Bastille comme l’Interrogatoire de Voltaire (voir tome Ier). M. Ravaisson en a donné copie le premier. (G. A.)