et trop difficiles. » Je crois rendre service à la nation et à cet auteur, qui travaille pour le bien de la nation, de lui démontrer qu’il se trompe. Qu’on lise les paroles de ce Testament très-faussement attribué au cardinal de Richelieu.
« Une basse naissance produit rarement les parties nécessaires au magistrat ; et il est certain que la vertu d’une personne de bon lieu a quelque chose de plus noble que celle qui se trouve en un homme de petite extraction. Les esprits de telles gens sont d’ordinaire difficiles à manier, et beaucoup ont une austérité si épineuse qu’elle n’est pas seulement fâcheuse, mais préjudiciable. Le bien est un grand ornement aux dignités, qui sont tellement relevées par le lustre extérieur qu’on peut dire hardiment que de deux personnes dont le mérite est égal, celle qui est la plus aisée en ses affaires est préférable à l’autre, étant certain qu’il faut qu’un pauvre magistrat ait l’âme d’une trempe bien forte si elle ne se laisse quelquefois amollir par la considération de ses intérêts. Aussi l’expérience nous apprend que les riches sont moins sujets à concussion que les autres, et que la pauvreté contraint un officier à être fort soigneux du revenu du sac. » (Chap. iv, sect. 1.)
Il est clair par ce passage, assez peu digne d’ailleurs d’un grand ministre, que l’auteur du Testament qu’on a cité craint qu’un magistrat sans bien et sans naissance n’ait pas assez de noblesse d’âme pour être incorruptible. On veut donc en vain s’autoriser du témoignage d’un ministre de France pour prouver qu’il ne faut point de vertu en France. Le cardinal de Richelieu, tyran quand on lui résistait, et méchant parce qu’il avait des méchants à combattre, pouvait bien, dans un ministère qui ne fut qu’une guerre intestine de la grandeur contre l’envie, détester la vertu qui aurait combattu ses violences ; mais il était impossible qu’il l’écrivît : et celui qui a pris son nom ne pouvait (tout malavisé qu’il est quelquefois) l’être assez pour lui faire dire que la vertu n’est bonne à rien.
Je n’ai assurément nulle envie, en réfutant cette erreur, de décrier le livre célèbre où elle se trouve. Je suis loin de rabaisser un ouvrage dont on n’a jusqu’à présent critiqué que ce qu’il y a de bon : un ouvrage où à côté de cent paradoxes il y a cent vérités profondes, exprimées avec énergie ; un ouvrage où les erreurs même sont respectables, parce qu’elles parlent d’un esprit libre et d’un cœur plein des droits du genre humain. Je prétends seulement faire voir que, dans une monarchie tempérée par les lois, et surtout par les mœurs, il y a plus de vertu que l’auteur ne croit, et plus d’hommes qui lui ressemblent.