Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
DEUXIÈME PARTIE.

curiosité, et dont on se détourne ensuite avec un dégoût d’horreur.

Son principal dessein, dans son édition du Siècle de Louis XIV, dont il a trouvé le secret de faire un libelle, est d’attaquer l’auteur dans ses mœurs, en attaquant celles des autres. Quel rapport, je vous prie, de l’histoire de Louis XIV avec la note de cet impertinent sur le chapitre du calvinisme ?

« Cavalier (le chef des révoltés des Cévennes) avait été, dit-il, rival de Voltaire. Ils aimèrent l’un et l’autre la fille de Mme  Dunoyer, fille de beaucoup d’esprit et de coquetterie. Ce qui devait arriver arriva. Le héros l’emporta sur le poëte, et la physionomie douce et agréable sur la physionomie égarée et méchante[1]. »

Voilà une des remarques les plus historiques de ce libelle. Il était triste, à la vérité, que la dame dont il parle eût abandonné son mari et enlevé ses deux filles pour se réfugier en Hollande ; mais il faut pardonner une faute que sa religion lui fit commettre ; il faut plaindre ses deux filles et les respecter. Toutes deux se sont retirées en France : l’aînée est morte à la communauté de Sainte-Agnès, honorée et chérie ; l’autre est pensionnaire du roi[2], et vit d’ordinaire dans une terre qui lui appartient, et où elle nourrit les pauvres ; elle s’est acquis auprès de tous ceux qui la connaissent la plus grande considération. Son âge, son mérite, sa vertu, la famille respectable et nombreuse à laquelle elle appartient, les personnes du plus haut rang dont elle est alliée, devaient la mettre à l’abri de l’insolente calomnie d’un scélérat absurde. Il y a sans doute de la honte à réfuter des choses si honteuses ; mais la malignité du cœur humain, qui reçoit avec avidité toutes les anecdotes scandaleuses, servira d’excuse à la peine qu’on prend ici.

Cavalier, étant colonel au service d’Angleterre, en 1708, passa dans les Pays-Bas, et vit Mlle  Dunoyer, encore très-jeune ; il la demanda en mariage : cette négociation fut rompue, et Cavalier alla se marier en Irlande. L’auteur du Siècle était alors au collége ; il n’alla en Hollande qu’en 1714[3], et n’a connu Cavalier qu’en Angleterre, en 1726. Comment La Beaumelle ose-t-il donc, lui qui est actuellement dans Paris, attaquer par de telles impostures l’honneur d’une famille de Paris ? Les princes dédaignent quelquefois les outrages, parce qu’ils sont au-dessus des outrages ;

  1. Voyez cette note tout entière, page 36.
  2. Mlle  Olympe Dunoyer, à qui sont adressées les premières lettres de la Correspondance de Voltaire, en 1713 et 1714, et qu’on appelait Pimpette, épousa le baron de Winterfeld, qui fut tué, en 1757, à la bataille de Kollin. (B.)
  3. À la fin de 1713.