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PREMIÈRE PARTIE.

que pendant les cinquante-cinq années que Louis XIV régna par lui-même.

14° Apprenez que l’établissement des milices n’est point le malheur de la France, comme vous avez l’impudence de le dire ; que ces milices, qui sont la pépinière des armées, contribuèrent à sauver la France dans les dernières campagnes du maréchal de Villars, et à la rendre victorieuse dans les campagnes de Louis XV ; que l’excellente méthode qu’on a prise, en 1724, concernant le maintien de ces milices, est due principalement au conseil de M. Duverney, et qu’elle a été très-perfectionnée par M. le comte d’Argenson[1]. On se fait un devoir de rendre cette justice à de bons citoyens, pour se laver de l’opprobre de vous adresser la parole.

15° Apprenez qu’il est faux que tous les catholiques du Languedoc avouent que la seule cause du supplice du fameux ministre Brousson fut qu’il était hérétique. L’abbé Brueys, dans son Histoire des troubles des Cévennes[2], rapporte qu’il avait eu autrefois des intelligences avec les ennemis, et qu’il fut roué sur sa propre confession. Ces intelligences étaient très-peu de chose. On usa avec lui d’une extrême rigueur ; ce fut une cruauté plus qu’une injustice. On faisait pendre les prédicants de votre communion, qui venaient prêcher malgré les édits. On rouait ceux qui avaient excité à la révolte : telle était la loi ; elle était dure, mais il n’y eut rien d’arbitraire dans les jugements[3].

16° Apprenez que Louis XIV n’a jamais dit au lord Stair, ambassadeur d’Angleterre, à l’occasion du port qu’il voulait faire à Mardick : « Monsieur l’ambassadeur, j’ai toujours été le maître chez moi, quelquefois chez les autres ; ne m’en faites pas souvenir. »

Vous n’êtes qu’un menteur, car ce n’est pas avec vous qu’il faut ménager les termes, quand vous dites : « Je sais de science certaine que Louis XIV tint ce discours. » J’avais dit[4] que je savais de science certaine qu’il ne le tint pas ; mais voici pourquoi je m’étais exprimé ainsi. Je demande pardon à M. le président

  1. Voyez, dans le Siècle de Louis XIV, une note des éditeurs sur les Milices, chapitre xxix (tome XIV, page 509). (K.)
  2. Son livre est intitulé Histoire du fanatisme de notre temps, 1692, in-12, dont une Suite parut en 1709, in-12, et une nouvelle suite en 1713, deux volumes in-12. L’ouvrage entier a été réimprimé en 1737, trois volumes in-12, et 1755, trois volumes in-12. (B.)
  3. Ces jugements furent presque toujours rendus par des commissaires, et par conséquent on peut les regarder comme injustes, même dans la forme. (K.)
  4. Voyez tome XIV , page 413.