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ÉCRIVAINS FRANÇAIS
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écrivirent à leur manière contre le sentiment raisonnable de Van-Dale et de Fontenelle. Le philosophe de Paris ne répondit point[1] ; mais son ami, le savant Basnage, philosophe de Hollande, répondit, et le livre des compilateurs ne fut pas lu. Plusieurs années après, le jésuite Le Tellier, confesseur de Louis XIV, ce malheureux auteur de toutes les querelles qui ont produit tant de mal et tant de ridicule en France, déféra Fontenelle à Louis XIV comme un athée, et rappela l’allégorie de Méro et d’Énégu. Marc-René de Paulmy, marquis d’Argenson, alors lieutenant de police, et depuis garde des sceaux, écarta la persécution qui allait éclater contre Fontenelle, et ce philosophe le fait assez entendre dans l’éloge du garde des sceaux d’Argenson, prononcé dans l’Académie des sciences. Cette anecdote est plus curieuse que tout ce qu’a dit l’abbé Trublet de Fontenelle. Mort le 9 janvier 1757, âgé de cent ans moins un mois et deux jours[2].

Forbin (Claude, chevalier de), chef d’escadre en France, grand amiral du roi de Siam. Il a laissé des Mémoires curieux qu’on a rédigés, et l’on peut juger entre lui et du Guai-Trouin. Mort en 1733.

Fraguier (Claude), né à Paris en 1666, bon littérateur et plein de goût. Il a mis la philosophie de Platon en bon vers latins. Il eût mieux valu faire de bons vers français. On a de lui d’excellentes dissertations dans le recueil utile de l’Académie des belles-lettres. Mort en 1728.

  1. Basnage pressa longtemps Fontenelle de répondre à Baltus. « Mon parti est pris, répondit Fontenelle, je ne répondrai point au livre du jésuite ; je consens que le diable ait été prophète, puisque Baltus le veut, et qu’il trouve cela plus orthodoxe. »
  2. Lorsque la première édition du Siècle de Louis XIV devint publique, Fontenelle vivait encore. On avait cherché à l’irriter contre M. de Voltaire. « Comment suis-je traité dans cet ouvrage ? demanda Fontenelle à un de ses amis. — Monsieur, répondit-il, M. de Voltaire commence par dire que vous êtes le seul homme vivant pour lequel il se soit écarté de la loi qu’il s’est faite de ne parler que des morts. — Je n’en veux pas savoir davantage, reprit Fontenelle ; quelque chose qu’il ait pu ajouter, je dois être content. »

    Ce qu’on trouve ici sur l’Histoire des Oracles et sur Méro et Énégu a été ajouté depuis la mort de Fontenelle. (K.) — L’article Fontenelle ne parut que dans la seconde édition du Siècle de Louis XIV, donnée à Leipsick en 1752, deux volumes in-12 ; il commençait ainsi : « Fontenelle (B. de), quoique vivant encore en l’année 1752, fera une exception à la loi qu’on s’est faite de ne mettre aucun homme vivant dans ce catalogue. Son âge de près de cent années semble demander cette distinction. Il est à présent au-dessus de l’éloge et de la critique. On peut le regarder, etc. » jusqu’à l’alinéa qui finit par ces mots : le don de l’invention. (Sauf toutefois les trois phrases que j’ai indiquées.) (B.)