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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

très-riche, guidé par cette seule curiosité, alla à la Chine vers l’an 1700. Il employa une grande partie de son bien à s’instruire de tout. Il apprit si parfaitement la langue qu’on le prenait pour un Chinois. Heureusement pour lui la forme de son visage ne le trahissait pas. Enfin il sut parvenir au grade de mandarin ; il parcourut toutes les provinces en cette qualité, et revint ensuite en Europe avec un recueil de trente années d’observations ; elles ont été perdues dans un naufrage : c’est peut-être la plus grande perte qu’ait faite la république des lettres.

Duhamel (Jean-Baptiste), de Normandie, né en 1624, secrétaire de l’Académie des sciences. Quoique philosophe, il était théologien. La philosophie, qui s’est perfectionnée depuis lui, a nui à ses ouvrages, mais son nom a subsisté. Mort en 1706.

Dumarsais (César Chesneau), né à Marseille en 1676. Personne n’a connu mieux que lui la métaphysique de la grammaire ; personne n’a plus approfondi les principes des langues. Son livre des Tropes est devenu insensiblement nécessaire, et tout ce qu’il a écrit sur la grammaire mérite d’être étudié. Il y a dans le grand Dictionnaire encyclopédique beaucoup d’articles de lui, qui sont d’une grande utilité. Il était du nombre de ces philosophes obscurs dont Paris est plein, qui jugent sainement de tout, qui vivent entre eux dans la paix et dans la communication de la raison, ignorés des grands, et très-redoutés de ces charlatans en tout genre qui veulent dominer sur les esprits. La foule de ces hommes sages est une suite de l’esprit du siècle. Mort en 1756.

Dupin (Louis Ellies), né en 1657, docteur de Sorbonne. Sa Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques lui a fait beaucoup de réputation et quelques ennemis. Mort en 1719.

Dupleix (Scipion), de Condom, quoique né en 1569, peut être compté dans le siècle de Louis XIV, ayant encore vécu sous son règne. Il est le premier historien qui ait cité en marge ses autorités, précaution absolument nécessaire quand on n’écrit pas l’histoire de son temps, à moins qu’on ne s’en tienne aux faits connus. On ne lit plus son Histoire de France, parce que depuis lui on a mieux fait et mieux écrit. Mort en 1661.

Dupuy (Pierre), fils de Claude Dupuy, conseiller au parlement, très-savant homme, naquit en 1583. La science de Pierre Dupuy fut utile à l’État. Il travailla plus que personne à l’inventaire des chartes, et aux recherches des droits du roi sur plusieurs États. Il débrouilla, autant qu’on le peut, la loi salique, et défendit les libertés de l’Église gallicane, en prouvant qu’elles ne sont qu’une partie des anciens droits des anciennes Églises. Il résulte de son