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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

que les légendes ressemblent aux quatre fils Aimon, comme s’il était nécessaire, pour l’édification publique, qu’un évêque normand fût imbécile. C’est ainsi à peu près qu’ils avaient soutenu que les Mémoires du cardinal de Retz n’étaient pas de ce cardinal. L’abbé d’Olivet leur répondit, et sa meilleure réponse fut de montrer à l’Académie l’ouvrage de l’ancien évêque d’Avranches, écrit de la main de l’auteur. Son âge et son mérite sont notre excuse de l’avoir placé, ainsi que le président Hénault, dans une liste où nous nous étions fait une loi de ne parler que des morts[1].

Domat (Jean), célèbre jurisconsulte. Son livre des Lois civiles a eu beaucoup d’approbation. Mort en 1696.

Dorléans (Pierre-Joseph), jésuite, le premier qui ait choisi dans l’histoire les révolutions pour son seul objet. Celles d’Angleterre qu’il écrivit sont d’un style éloquent ; mais depuis le règne de Henri VIII il est plus disert que fidèle. Mort en 1698.

Doujat (Jean), né à Toulouse en 1609, jurisconsulte et homme de lettres. Il faisait tous les ans un enfant à sa femme, et un livre. On en dit autant de Tiraqueau. Le Journal des savants l’appelle grand homme ; il ne faut pas prodiguer ce titre. Mort en 1688, à soixante-dix-neuf ans.

Dubois (Gérard), né à Orléans en 1629, de l’Oratoire. Il a fait l’Histoire de l’Église de Paris. Mort en 1696.

Dubos (l’abbé). Son Histoire de la ligue de Cambrai est profonde, politique, intéressante ; elle fait connaître les usages et les mœurs du temps, et est un modèle en ce genre. Tous les artistes lisent avec fruit ses Réflexions sur la poésie, la peinture et la musique. C’est le livre le plus utile qu’on ait jamais écrit sur ces matières chez aucune des nations de l’Europe. Ce qui fait la bonté de cet ouvrage, c’est qu’il n’y a que peu d’erreurs et beaucoup de réflexions vraies, nouvelles et profondes. Ce n’est pas un livre méthodique ; mais l’auteur pense, et fait penser. Il ne savait pourtant pas la musique ; il n’avait jamais pu faire de vers, et n’avait pas un tableau ; mais il avait beaucoup lu, vu, entendu et réfléchi[2]. Il publia, pendant

  1. Les éditions de Kehl terminaient cet article par ces mots, qui étaient entre parenthèses : « Mort depuis l’impression de cet article, en 1768. » Ils ne sont point dans l’édition de 1775, donnée du vivant de Voltaire. D’Olivet est mort le 8 octobre 1768. C’était dans l’édition du Siècle de Louis XIV, donnée cette année, que Voltaire avait ajouté son article, ainsi que celui de Hénault. Jusque-là Fontenelle était le seul auteur admis de son vivant dans le Catalogue. (B.) — Voltaire paye ici sa dette de reconnaissance à l’un de ses maîtres. (G. A.)
  2. Cette phrase et celle qui suit sont posthumes ; elles ne sont pas dans l’édition de 1775.