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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

le mérite de l’inimitable Molière ; mais il n’a pas laissé de se faire de la réputation après eux. On a de lui quelques pièces qui ont eu du succès, quoique le comique en soit un peu forcé. Il a du moins évité le genre de la comédie qui n’est que langoureuse, de cette espèce de tragédie bourgeoise, qui n’est ni tragique ni comique, monstre né de l’impuissance des auteurs et de la satiété du public après les beaux jours du siècle de Louis XIV[1]. Sa comédie du Glorieux est son meilleur ouvrage, et probablement restera au théâtre, quoique le personnage du Glorieux soit, dit-on, manqué ; mais les autres caractères paraissent traités supérieurement. Mort en 1754.

D’Hosier (Pierre), né à Marseille en 1592, fils d’un avocat. Il fut le premier qui débrouilla les généalogies, et qui en fit une science. Louis XIII le fit gentilhomme servant, maître d’hôtel, et gentilhomme ordinaire de sa chambre. Louis XIV lui donna un brevet de conseiller d’État. De véritablement grands hommes ont été bien moins récompensés : leurs travaux n’étaient pas si nécessaires à la vanité humaine[2]. Mort en 1660.

D’Olivet (Joseph Thoulier), abbé, conseiller d’honneur de la chambre des comptes de Dôle, de l’Académie française, né à Salins en 1682 ; célèbre dans la littérature par son Histoire de l’Académie, lorsqu’on désespérait d’en avoir jamais une qui égalât celle de Pellisson. Nous lui devons les traductions les plus élégantes et les plus fidèles des ouvrages philosophiques de Cicéron, enrichies de remarques judicieuses. Toutes les œuvres de Cicéron, imprimées par ses soins et ornées de ses remarques, sont un beau monument qui prouve que la lecture des anciens n’est point abandonnée dans ce siècle. Il a parlé sa langue avec la même pureté que Cicéron parlait la sienne, et il a rendu service à la grammaire française par les observations les plus fines et les plus exactes. On lui doit aussi l’édition du livre de la Faiblesse de l’esprit humain, composé par l’évêque d’Avranches, Huet, lorsqu’une longue expérience l’eut fait enfin revenir des absurbes futilités de l’école, et du fatras des recherches des siècles barbares. Les jésuites, auteurs du Journal de Trévoux, se déchaînèrent contre l’abbé d’Olivet, et soutinrent que l’ouvrage n’était pas de l’évêque Huet, sur le seul prétexte qu’il ne convenait pas à un ancien prélat de Normandie d’avouer que la scolastique est ridicule, et

  1. Tout ce qui précède est de 1757 ; ce qui suit est de 1763. (B.)
  2. Voyez l’article Th. Renaudot.