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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

très-fâché qu’on le lui imputât. Il est de l’abbé de Lavau, qui était alors jeune et inconsidéré ; j’en ai vu la preuve dans une lettre de Lavau à l’abbé Servien. Des Barreaux est mort en 1673.

Des Coutures (le baron) traduisit en prose et commenta Lucrèce, vers le milieu du règne de Louis XIV. Il pensait comme ce philosophe sur la plupart des premiers principes des choses[1] ; il croyait la matière éternelle, à l’exemple de tous les anciens. La religion chrétienne a seule combattu cette opinion.

Deshoulières (Antoinette du Ligier de La Garde). De toutes les dames françaises qui ont cultivé la poésie, c’est celle qui a le plus réussi, puisque c’est celle dont on a retenu le plus de vers. C’est dommage qu’elle soit l’auteur du mauvais sonnet contre l’admirable Phèdre de Racine. Ce sonnet ne fut bien reçu du public que parce qu’il était satirique. N’est-ce pas assez que les femmes soient jalouses en amour ? faut-il encore qu’elles le soient en belles-lettres ? Une femme satirique ressemble à Méduse et à Scylla, deux beautés changées en monstres. Morte en 1694.

Deslyons (Jean), né à Pontoise en 1616, docteur de Sorbonne, homme singulier, auteur de plusieurs ouvrages polémiques. Il voulut prouver que les réjouissances à la fête des rois sont des profanations, et que le monde allait bientôt finir. Mort en 1700.

Desmarets de Saint-Sorlin (Jean), né à Paris en 1595. Il travailla beaucoup à la tragédie de Mirame du cardinal de Richelieu. Sa comédie des Visionnaires passa pour un chef-d’œuvre, mais c’est que Molière n’avait pas encore paru. Il fut contrôleur général de l’extraordinaire des guerres et secrétaire de la marine du Levant. Sur la fin de sa vie, il fut plus connu par son fanatisme[2] que par ses ouvrages. Mort en 1676.

Destouches (Philippe Néricault), né à Tours en 1680, avait été comédien dans sa jeunesse. Après avoir fait plusieurs comédies, il fut chargé longtemps des affaires de France en Angleterre ; et ayant rempli ce ministère avec succès, il se remit à faire des comédies. On ne trouve pas dans ses pièces la force et la gaieté de Regnard, encore moins ces peintures du cœur humain, ce naturel, cette vraie plaisanterie, cet excellent comique, qui fait

  1. L’article Des Coutures fut ajouté dans l’édition de 1752, et tel qu’il est ici. Au lieu de ce qui le termine, on lit ces mots dans un manuscrit que je possède de la main de Voltaire : « Le nombre de ceux qui, à l’exemple des anciens, ont cru la matière éternelle, est étonnant. » Jacques Parrain, baron des Coutures, né à Avranches, est mort en 1702. Sa traduction de Lucrèce, qui avait paru en 1685, deux volumes in-12, a été effacée par celle de Lagrange. (B.)
  2. Voyez, ci-après, l’article Morin (Simon).