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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.


Corneille (Pierre), né à Rouen en 1606. Quoiqu’on ne représente plus que six ou sept pièces de trente-trois qu’il a composées, il sera toujours le père du théâtre. Il est le premier qui ait élevé le génie de la nation, et cela demande grâce pour environ vingt de ses pièces qui sont, à quelques endroits près, ce que nous avons de plus mauvais par le style, par la froideur de l’intrigue, par les amours déplacés et insipides, et par un entassement de raisonnements alambiqués qui sont l’opposé du tragique. Mais on ne juge d’un grand homme que par ses chefs-d’œuvre, et non par ses fautes. On dit que sa traduction de l’Imitation de Jésus-Christ a été imprimée trente-deux fois : il est aussi difficile de le croire que de la lire une seule. Il reçut une gratification du roi dans sa dernière maladie. Mort en 1684.

On a imprimé dans plusieurs recueils d’anecdotes qu’il avait sa place marquée toutes les fois qu’il allait au spectacle, qu’on se levait pour lui, qu’on battait des mains. Malheureusement les hommes ne rendent pas tant de justice. Le fait est que les comédiens du roi refusèrent de jouer ses dernières pièces, et qu’il fut obligé de les donner à une autre troupe[1].

Corneille (Thomas), né à Rouen en 1625, homme qui aurait eu une grande réputation s’il n’avait point eu de frère. On a de lui trente-quatre pièces de théâtre. Mort pauvre, en 1709.

Courtilz de Sandras (Gatien de), né à Paris en 1644. On ne place ici son nom que pour avertir les Français, et surtout les étrangers, combien ils doivent se défier de tous ces faux Mémoires imprimés en Hollande. Courtilz fut un des plus coupables écrivains de ce genre. Il inonda l’Europe de fictions sous le nom d’histoires. Il était bien honteux qu’un capitaine du régiment de Champagne allât en Hollande vendre des mensonges aux libraires. Lui et ses imitateurs, qui ont écrit tant de libelles contre leur propre patrie, contre de bons princes qui dédaignent de se venger, et contre des citoyens qui ne le peuvent, ont mérité l’exécration publique. Il a composé la Conduite de la France depuis la paix de Nimègue, et la Réponse au même livre ; l’État de la France sous Louis XIII et sous Louis XIV ; la Conduite de Mars dans les guerres de Hollande ; les Conquêtes amoureuses du grand Alcandre ; les Intrigues amoureuses de la France ; la vie de Turenne ; celle de l’amiral Coligny ; les Mémoires de Rochefort, d’Artagnan, de Montbrun, de Vordac[2] de la marquise de Fresne ; le Testament politique de Colbert, et beaucoup

  1. Voyez ce que Voltaire dit encore de Corneille dans le chapitre xxxii.
  2. Voyez les Mensonges imprimés dans les Mélanges à la date de 1749-1750.