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arts, ont reçu ainsi des secours mutuels ; les académies ont formé cette république. L’Italie et la Russie ont été unies par les lettres. L’Anglais, l’Allemand, le Français, allaient étudier à Leyde. Le célèbre médecin Bourhave était consulté à la fois par le pape et par le czar. Ses plus grands élèves ont attiré ainsi les étrangers, et sont devenus en quelque sorte les médecins des nations ; les véritables savants dans chaque genre ont resserré les liens de cette grande société des esprits, répandue partout, et partout indépendante. Cette correspondance dure encore ; elle est une des consolations des maux que l’ambition et la politique répandent sur la terre.

L’Italie, dans ce siècle, a conservé son ancienne gloire, quoiqu’elle n’ait eu ni de nouveaux Tasses, ni de nouveaux Raphaëls : c’est assez de les avoir produits une fois. Les Chiabrera, et ensuite les Zappi, les Filicaia, ont fait voir que la délicatesse est toujours le partage de cette nation. La Mérope de Maffei, et les ouvrages dramatiques de Metastasio, sont de beaux monuments du siècle.

L’étude de la vraie physique, établie par Galilée, s’est toujours soutenue, malgré les contradictions d’une ancienne philosophie trop consacrée. Les Gassini, les Viviani, les Manfredi, les Rianchini, les Zanotti, et tant d’autres, ont répandu sur l’Italie la même lumière qui éclairait les autres pays ; et quoique les principaux rayons de cette lumière vinssent de l’Angleterre, les écoles italiennes n’en ont point enfin détourné les yeux.

Tous les genres de littérature ont été cultivés dans cette ancienne patrie des arts autant qu’ailleurs, excepté dans les matières où la liberté de penser donne plus d’essor à l’esprit chez d’autres nations. Ce siècle surtout a mieux connu l’antiquité que les précédents. L’Italie fournit plus de monuments que toute l’Europe ensemble ; et plus on a déterré de ces monuments, plus la science s’est étendue.

On doit ces progrès à quelques sages, à quelques génies répandus en petit nombre dans quelques parties de l’Europe, presque tous longtemps obscurs, et souvent persécutés : ils ont éclairé et consolé la terre pendant que les guerres la désolaient. On peut trouver ailleurs des listes de tous ceux qui ont illustré l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie. Un étranger serait peut-être trop peu propre à apprécier le mérite de tous ces hommes illustres. Il suffit ici d’avoir fait voir que, dans le siècle passé, les hommes ont acquis plus de lumières, d’un bout de l’Europe à l’autre, que dans tous les âges précédents.