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CHAPITRE XXXIV.

Après avoir ainsi parcouru tous ces arts, qui contribuent aux délices des particuliers et à la gloire de l’État, ne passons pas sous silence le plus utile de tous les arts, dans lequel les Français surpassent toutes les nations du monde : je veux parler de la chirurgie, dont les progrès furent si rapides et si célèbres dans ce siècle qu’on venait à Paris des bouts de l’Europe pour toutes les cures et pour toutes les opérations qui demandaient une dextérité non commune. Non-seulement il n’y avait guère d’excellents chirurgiens qu’en France, mais c’était dans ce seul pays qu’on fabriquait parfaitement les instruments nécessaires ; il en fournissait tous ses voisins, et je tiens du célèbre Cheselden, le plus grand chirurgien de Londres, que ce fut lui qui commença à faire fabriquer à Londres, en 1715, les instruments de son art. La médecine, qui servait à perfectionner la chirurgie, ne s’éleva pas en France au-dessus de ce qu’elle était en Angleterre et sous le fameux Bourhave[1] en Hollande ; mais il arriva à la médecine, comme à la philosophie, d’atteindre à la perfection dont elle est capable en profitant des lumières de nos voisins.

Voilà en général un tableau fidèle des progrès de l’esprit humain chez les Français dans ce siècle, qui commença au temps du cardinal de Richelieu, et qui finit de nos jours. Il sera difficile qu’il soit surpassé ; et s’il l’est en quelques genres, il restera le modèle des âges encore plus fortunés, qu’il aura fait naître[2].




CHAPITRE XXXIV[3].

DES BEAUX-ARTS EN EUROPE DU TEMPS DE LOUIS XIV.


Nous avons assez insinué dans tout le cours de cette histoire que les désastres publics dont elle est composée, et qui se suc-

  1. Chez les Hollandais, la diphtongue œ se prononce comme ou, (Note de Voltaire.) — Par une note sur l’article XII des Fragments sur l’Inde, Voltaire dit que les Hollandais écrivent Bœrhave, mais que nous devons écrire Bourhave.
  2. Voyez, dans la Correspondance, la lettre au président Hénault, du 28 janvier 1752.
  3. Ce chapitre était, en 1756, le CCXIVe de l’Essai sur l’histoire générale. C’est en 1763 qu’il fut mis à la place qu’il a aujourd’hui. (B)